Quelques mois avant la rentrée universitaire 2025, plusieurs établissements québécois ont adopté des budgets déficitaires. Entre compressions, restrictions budgétaires et grogne étudiante, l’enseignement supérieur traverse une zone de turbulence.
En cette rentrée 2025, les universités semblent être fragilisées. Plusieurs d’entre elles ont adopté un budget déficitaire, l’UQAM est au bord de la faillite, selon son recteur, et Polytechnique Montréal a provoqué la colère de ses étudiant·e·s en augmentant les frais des stages. Les établissements sont unanimes quant aux raisons de ces situations : le contexte économique et les restrictions budgétaires du gouvernement québécois.
L’Université de Montréal (UdeM) fait partie de celles qui ont adopté un budget déficitaire pour l’année en cours. Selon les prévisions, l’établissement prévoit en effet un déficit de 9,7 millions de dollars, ce qui l’oblige « à procéder à des compressions dans les unités et à limiter au strict minimum les projets de développement », selon un article d’UdeM Nouvelles.
Dans un courriel transmis à Quartier Libre, la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara, affirme que l’Université déploie « tous les efforts nécessaires pour que les compressions n’affectent pas la qualité de l’enseignement et de la recherche ».
Ce déficit s’expliquerait par le fait que le gouvernement n’a pas indexé la subvention de fonctionnement selon l’augmentation salariale accordée au personnel de la fonction publique. L’UdeM se voit ainsi obligée de combler ce manque.
Précarité étudiante
L’Union étudiante du Québec (UÉQ) déplore une baisse de 31 millions de dollars dans le financement du gouvernement provincial pour les universités québécoises.
Pour la présidente de l’UÉQ, Flora Dommanget, la situation correspond « complètement [à un] contexte d’austérité ». Elle estime que les étudiant·e·s vont être les premier·ère·s à en payer le prix sur leurs droits de scolarité, alors que beaucoup peinent déjà à joindre les deux bouts.
L’UÉQ effectue actuellement un recensement de tout ce qu’il se passe dans les universités, entre augmentation de frais et diminution de services. Mme Dommanget martèle qu’agir rapidement est nécessaire pour « éviter que les universités ne tombent en déficit et que les étudiants rattrapent le tout ».
Selon Mme Dommanget, la précarité étudiante risque d’empirer si le gouvernement n’agit pas maintenant et si les universités continuent d’adopter des budgets déficitaires.
En effet, en février dernier, un sondage Léger commandé par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FÉCQ) et l’UÉQ a révélé que 40 % des étudiant·e·s ont vécu de l’insécurité alimentaire entre février 2024 et février 2025.
De son côté, Mme O’Meara souhaite rassurer la communauté étudiante. « [L’Université use] de créativité pour que la baisse des budgets des unités n’ait pas de conséquences directes sur les services rendus aux étudiants », assure-t-elle.
« Les universités ne sont pas en crise »
L’ancienne professeure d’économie au Collège d’Alma et actuelle doctorante à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) Laurence Vallée assure que « [les universités] ne sont pas en crise » et que le gouvernement aurait même augmenté leur financement cette année.
En effet, celui-ci accorde trois subventions aux universités de la province : une de fonctionnement (66 % des revenus totaux de l’UdeM), une normée, qui comprend principalement les dépenses relatives à l’enseignement et au soutien de la recherche, et une spécifique.
Selon les chiffres de Mme Vallée, si la subvention de fonctionnement des universités a effectivement diminué de 0,5 % entre 2024-2025 et 2025-2026, ou de 2 % par étudiant·e en prenant en compte l’inflation, celle normée a, quant à elle, augmenté de 8 %, ou de 6,4 % par étudiant·e en valeur réelle. « Il n’y a pas de baisse particulière à noter », conclut l’économiste, également autrice du livre Démystifier la formule de financement des universités.
Les subventions spécifiques, qui forment la troisième enveloppe de fonds pour les établissements universitaires, diffèrent trop entre les deux années de référence pour permettre une comparaison. En effet, cette enveloppe a fortement augmenté en 2024-2025 du fait d’une allocation pour l’indexation salariale rétroactive, soit un rattrapage sur les salaires des professeur·e·s que le gouvernement aurait dû étaler sur trois ans, selon Mme Vallée.
La chercheuse en économie estime que les dépenses des universités augmentent plus vite que les subventions des gouvernements, un facteur qui explique les budgets déficitaires. « C’est un jeu de planification », affirme-t-elle.
Coupes en éducation
Au printemps dernier, le gouvernement Legault a décidé de couper dans le budget en éducation à hauteur de 570 millions de dollars. Il a ensuite fait marche arrière en réinjectant 540 millions de dollars face à la colère des centres de service scolaires (CSS) et des parents d’élèves,
Toutefois, cette décision ne satisfait pas tout le monde. En effet, ce montant est soumis à des conditions : pour y avoir droit, chaque CSS devrait réaliser des redditions de compte afin de démontrer des efforts pour diminuer ses dépenses administratives.
Bien que les enveloppes budgétaires dédiées à l’éducation et à l’enseignement supérieur soient distinctes, « l’une impacte l’autre quand même, parce que ça reste de l’éducation, note Mme Dommanget. C’est un investissement à long terme. Si on coupe partout, si on n’a pas les bonnes infrastructures, si on diminue les budgets, c’est sûr qu’à long terme, ça va faire mal. »
Elle évoque notamment le fait que la dégradation du réseau scolaire, qu’entraînent les restrictions budgétaires gouvernementales, pourrait avoir des répercussions sur l’envie des élèves de poursuivre leur parcours à l’enseignement supérieur.
Lors de son premier mandat, François Legault avait promis à la population québécoise de faire de l’éducation, au sens général du terme, sa priorité. Sept ans plus tard, il ne semble pas avoir tenu sa promesse, selon la présidente de l’UÉQ. « Le gouvernement ne nous écoute pas », déplore-t-elle ainsi.