Dossiers

Idéaliser le passé

Quartier Libre : Comment définir la nostalgie ?

Andrea Oberhuber : Je dirais que la nostalgie est un sentiment de perte par rapport au parcours d’un individu, ou historiquement parlant, relié à un âge d’or. Cela représente une période idéale, par exemple l’enfance, ou une époque ancienne. Le sentiment de perte se lie au mal du pays, ce qu’on appelle en allemand le Heimweh. Cela se ressent quand on a dû quitter son pays d’origine et qu’on commence à fantasmer sur lui. On voudrait y retourner, parce qu’on idéalise ce qu’on a vécu dans ce pays.

Q. L. : Y a-t-il un lien entre la nostalgie et le romantisme ?

A. O. : Le lien est très fort et relève d’une certaine construction a posteriori, mais il y a dès le début du xixe siècle, un sentiment de mal du pays. Il est très popularisé par les romans de Chateaubriand, qui est un des grands auteurs romantiques français. Son roman, René, raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur qui sont épris l’un de l’autre et c’est évidemment un amour impossible. Dans ce roman-là, il est beaucoup question de nostalgie. C’est l’état d’âme par excellence du protagoniste qui s’explique par l’exil.

Q. L. : Peut-elle se déclencher par l’écoute de musique ou la lecture d’un livre ?

A. O. : Je ne pense pas que la nostalgie puisse être déclenchée par l’une de ces choses. Le sentiment doit déjà être présent à la base. Ensuite, par un art ou par une stimulation extérieure, le sentiment peut être amplifié.

Q. L. : La nostalgie peut-elle rendre une personne heureuse ?

A. O. : Quand on associe tellement de sentiments positifs à l’âge d’or ou simplement un âge où l’on était heureux, le fait d’y penser ou d’être rappelé à ces sentiments agréables peut nous rendre heureux. Par contre, l’effet de contraste fait souvent en sorte qu’il y a une chute après.

Q. L. : Associe-t-on souvent la nostalgie aux regrets de ne pas pouvoir revenir à une époque idéalisée ?

A. O. : Tout à fait. D’ailleurs, il y a un recueil de poésie, Les regrets, écrit par Joachim du Bellay, un poète de la Renaissance. Il est en exil à Rome où il suit son oncle diplomate et il écrit à propos de sa mère patrie, la France. Tout le recueil est empreint de ce sentiment de regret, de ne pas être dans le pays qui lui est si cher.

Partager cet article