Même si la majorité des étudiants vont d’abord à l’initiation pour avoir du plaisir, l’intégration est aussi au rendez-vous. « J’y ai participé et ça m’a bien servi, car je me suis fait des contacts intéressants, notamment avec les cycles supérieurs », raconte l’étudiant en criminologie Thomas Vansighen.
Certains estiment que la différence après la journée d’accueil est bien visible. «Dans la classe, tu constateras que les gens qui ont participé aux activités ne sont jamais seuls», prétend l’étudiant à la maîtrise en gestion stratégique et co-président de la fraternité Sigma Thêta Pi, Grégory Calonges.
D’autres étudiants croient qu’il est possible d’arriver au même résultat sans être initié. « Je n’aime pas le bizutage et j’ai de la difficulté avec ce qui nie l’individualité, explique l’étudiant à la maîtrise en sociologie Antoine Beaur. Je préfère donc tisser des liens dans d’autres types de journées de la rentrée, plus calmes.»
Pourtant, selon plusieurs, c’est l’appel à la coopération lors de ces activités qui favorise un premier contact. « Les premiers jours de classe, c’est plus confortable d’aller retrouver les gens avec qui on a été initié », remarque Thomas Vanisghen.
En plus de favoriser la rencontre entre les nouveaux étudiants, le contact avec les initiateurs leur permet d’apprendre sur le milieu dans lequel ils évolueront pour les années à venir. « On peut leur poser des questions, on développe des relations et plus tard on a accès à leurs anciennes notes de cours, à des synthèses ou des travaux, par exemples », étale Thomas Vansighen.
Cela favorise donc l’intégration au milieu en plus de celle entre les étudiants. Pour y arriver, initiateur et initié ont chacun leur rôle à jouer afin de réussir l’exercice. « L’initiation est un mode de transmission qui s’appuie sur le savoir », relate la psychologue et conseillère principale en développement stratégique de la Direction des relations internationales de l’UdeM, Rachida Azdouz.
Un rite qui perd son sens
Les scandales qui surgissent chaque année nourrissent les débats sur la pertinence de cette pratique. «Ce qui est questionnable dans certains rites d’initiation universitaire, c’est le fait qu’ils aient été vidés de leur sens et que dans certains cas, malheureusement, il ne reste que la bouffonnerie», explique la psychologue.
Le rite initiatique nécessite d’être constructif pour opérer. «Si la signification derrière cette épreuve n’est pas claire et explicite pour celui qui subit le rituel, il n’en conservera que le caractère humiliant et le goût amer», observe Rachida Azdouz.
Grégory se souvient singulièrement d’un événement. « En 2012, les initiateurs de science politique trempaient le bout d’un concombre dans de la mayonnaise et les initiés allaient les prendre et les lécher, raconte-t-il. On se demandait pourquoi c’était autant connoté. Avec du recul, je me dis qu’il n’y avait pas toujours un but derrière. »
Humilier ou ne pas humilier ?
Le recours à l’humiliation est certes un passage délicat, mais nécessaire selon le point de vue anthropologique de Rachida Azdouz. « Dans certaines tribus, on humiliait le futur roi avant de le couronner pour lui signifier que les vrais grands sont humbles et n’abusent pas de leur pouvoir, relate-t-elle. Il est censé se souvenir de cette leçon. »
D’un autre côté, l’importance de faire réagir et de bouleverser l’ordre habituel est au coeur du processus d’intégration des nouveaux étudiants. « Les rites ne remplissent leur fonction que s’ils provoquent un changement, une réflexion intime », soutient la psychologue. Bien plus qu’une simple beuverie, l’initiation a un côté sérieux.
L’étape finale d’une initiation réussie est déterminante selon cette dernière. « Il faut ensuite reconstruire une fraternité, une communauté avec ceux-là mêmes qui nous ont soumis à l’épreuve », affirme-t-elle. Le seuil d’humiliation soutenable ne doit donc pas empêcher cette reconstruction.
Près de 50 activités d’initiation ont lieu sur le campus du 28 août au 5 septembre, selon le registre de la FAÉCUM.