Depuis 2017, de plus en plus de francophones verraient leur demande de permis d’études refusées par Ottawa. Les étudiantes et étudiants originaires des pays du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest essuieraient davantage de revers que leurs homologues d’autres pays. Un nouveau système informatique, nommé Chinook, serait en partie responsable de cette augmentation.
Selon une enquête du quotidien Le Devoir, les étudiantes et étudiants francophones étrangers en provenance des principaux pays africains et à destination du Québec se butent à des taux de refus supérieurs à 85 %. Par exemple, en 2020, 92 % des demandes de francophones originaires du Congo ont été refusées par Ottawa. Ce taux était de 91 % pour celles en provenance de Guinée, de 88 % pour celles venues du Bénin et de 85 % pour les demandes effectuées en Algérie.
Toujours selon l’enquête du Devoir, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) rejetterait davantage les dossiers des personnes désirant étudier au Québec que ceux d’étudiants et d’étudiantes qui se dirigent vers les autres provinces. Entre 2017 et 2020, le taux de refus des demandes de permis d’études toutes candidatures confondues a bondi de 30 % à 60 % pour le Québec. Sur la même période, ce taux est passé de 30 % à 45 % pour le reste du Canada.
Interrogée par Le Devoir, l’avocate en immigration Krishna Gagné souligne qu’IRCC a rejeté des dossiers « impeccables ». « Il arrive fréquemment qu’un candidat aux études démontre une capacité financière de 100 000 $ pour la durée de son programme, qu’il ait son acceptation de l’université, mais il est quand même refusé », a-t-elle rapporté.
Un outil informatique en cause
Un nouveau système informatique, baptisé Chinook, serait en partie responsable de la hausse des refus de permis d’études, selon plusieurs avocats en immigration interrogés par Le Devoir. Utilisé par IRCC depuis 2018, cet outil permettrait de traiter en vrac et rapidement plusieurs demandes de permis d’études, augmentant de 35 % le volume de traitement, d’après le ministère.
Le fonctionnaire d’IRCC Andie Daponte a expliqué à la Cour fédérale en juillet dernier que Chinook compile les principales informations des dossiers de candidature dans une feuille de calcul Excel. Ainsi, des demandes totalisant des dizaines voire une centaine de pages sont résumées en « deux ou trois lignes ». M. Daponte a ajouté que Chinook n’oblige pas les agents d’immigration à consulter les preuves transmises par les étudiants et étudiantes. De plus, IRCC a demandé à ses fonctionnaires de détruire leurs notes relatives aux dossiers de candidatures pour « des questions de vie privée ».
Me Gagné dénonce un « processus décisionnel [opaque] des plus préoccupants », selon des propos rapportés par Le Devoir. Elle se demande également si « les agents ouvrent réellement les dossiers ». De son côté, l’avocat torontois Lou Janssen Dangzalan a affirmé au quotidien voir « de plus en plus [de] motifs du refus [qui] ne correspondent pas avec les preuves qui ont été soumises ».