Prêts pour le magasinage de Noël ? Les vendeurs, eux, le sont. Dans la grande région de Montréal, des experts les aident à affûter leurs techniques de chasse au client. Quartier Libre s’est faufilé dans une de ces formations pour décrypter ces pièges qui vous attendent au détour du rayon jouets.
Le métier de vendeur ne s’apprend plus sur le tas. Aujourd’hui, les entreprises préfèrent envoyer leurs employés à des séminaires organisés par des spécialistes de la vente comme Daniel Tanguay. Il a fondé sa compagnie, Détail Formation, à Montréal en 1998. Depuis, il prépare des centaines de vendeurs à travers le Québec à mieux tirer profit de l’achalandage des fêtes.
L’enjeu est de taille puisque selon une étude réalisée par le Conseil québécois du commerce de détail, les dépenses de consommation des Québécois pour la période des Fêtes totaliseront 2,3 milliards de dollars, une augmentation de 2 % par rapport à l’an dernier.
« Je dois souvent refuser des gens à mes formations ! » affirme M. Tanguay. Le succès de ses ateliers auprès des entreprises tiendrait de leur côté très pratique et de leur éclectisme : des vendeurs de téléphones y côtoient des spécialistes en clôtures et des vendeurs de matériaux de construction y partagent une table avec des vendeuses de produits de beauté.
Le soir de la formation en techniques de vente, l’ambiance dans la salle de réception de Terrebonne est décontractée. Environ 25 vendeuses et vendeurs sont présents, la plupart accompagnés de leur patron. Seuls les employés d’une succursale de Bell semblent de toute évidence plus intéressés par leur téléphone cellulaire que par le formateur.
M. Tanguay utilise la métaphore de la conduite automobile pour enseigner aux participants comment « prendre le volant » et guider le client vers l’achat d’un produit en cinq étapes faciles : connaître, conseiller, conduire, conclure, et conforter.
Pour convaincre les participants de l’efficacité de sa méthode, M. Tanguay utilise beaucoup de contre-exemples qu’il a lui-même vécus en travaillant comme client mystère (voir encadré).
Selon lui, une des pires erreurs des vendeurs est de répéter la même phrase à chaque client, comme : « Avez-vous trouvé tout ce que vous cherchiez ? » À sa manière, M. Tanguay insiste aussi sur la formulation de questions et de réponses clés.
Il suggère de remplacer les « Est-ce que…? » par des « Comment puis-je…? », pour inciter le client à parler davantage. La formation passe très vite sur le problème de la présentation personnelle et du langage non verbal : «92 % de l’appréciation de ce que vous dites provient des expressions de votre visage et de votre gestuelle, alors que seulement 8 % provient des mots que vous dites ! » soutient M. Tanguay sans vraiment développer davantage. Sans surprise, un peu d’hypocrisie est de mise au royaume de la vente puisque « mieux vaut un sourire forcé, qu’un air de boeuf sincère ! » ajoute-t-il.
La revanche du client Les enseignements de M. Tanguay ne profitent pas qu’aux commerçants. Comment pouvonsnous éviter le harcèlement d’un mauvais vendeur, surtout en cette période des Fêtes ? La première technique, selon l’expression de M. Tanguay, est non verbale : « Danser le tango ! » Lorsque vous sentez que vous êtes suivi par un vendeur, déjouez-le en retournant sur vos pas. Répétez le mouvement à plusieurs reprises si nécessaire. Cela marche – si j’ose dire – à tous les coups, sauf si le vendeur a suivi un atelier de Détail Formation, car il vous surprendra alors avec le truc de la diagonale. En partant de derrière vous, il fera semblant de vous dépasser en bifurquant légèrement vers la gauche ou la droite, pour ensuite se retourner et provoquer un face à face. Pas de panique, vous n’avez qu’à continuer à danser le tango.
Autre conseil: le «Ouin, pis?» C’est la réponse idéale à donner au vendeur qui parle un jargon incompréhensible. On vous dit que cette toilette est en porcelaine ? «Ouin, pis?» Cela favorise le glissement… Ah bon! On vous suggère un téléphone avec un microprocesseur à double coeur ? «Ouin, pis?» Cela permet d’accélérer le transfert de données et l’accès à l’Internet. « Ouin, pis? » Et ainsi de suite.
De quoi faire du vendeur l’arroseur arrosé de ses techniques de vente.
La police des vendeurs : le client mystère
Des entreprises demandent souvent à Daniel Tanguay de faire semblant d’être un client pour espionner et évaluer leurs propres employés ou ceux de la concurrence. Daniel Tanguay remet ensuite une évaluation à son client. Il relate également ses bonnes et mauvaises expériences en tant que faux client sur son miniblogue http://letrespetitblogue.com/. Des exemples ? Récemment, il a été impressionné par la rapidité du service d’un Second Cup, mais il s’est offusqué qu’un gérant de salle de réception ne prenne pas 30 secondes pour lui parler. Par souci d’éthique, il ne dévoile jamais le nom des entreprises dont le service reste à désirer.
Se plaindre… à bon escient
En ce qui concerne les grands magasins des firmes multinationales comme Walmart ou McDonald, plaignez-vous sur Facebook ou Twitter si vous avez reçu un mauvais service.
« Mais ne chialez pas ! Privilégiez la critique constructive ! », conseille Isabelle Rochon, experte en marketing et médias sociaux chez OS communications. Si la compagnie prend les commentaires des internautes au sérieux, elle tentera de rectifier la situation, car «la confiance se gagne en gouttes, et se perd en litres !», rappelle M.
Tanguay.