Culture

Griffintown et son théâtre

Fenêtres Murées / Daylight Robbery : Performance in situ de la troupe Théâtre Nulle Part, présentée dans le Corridor Dalhousie de Griffintown jusqu’au 26 septembre.

 

Quelles traces laissent les habitants d’un quartier? Peut-on encore percevoir leur présence sur la brique ou sur la roche? Au cœur de Griffintown, dans un recoin improbable, entre un pan de viaduc de chemin de fer et un vieux bâtiment désaffecté, le Théâtre Nulle Part présente un parcours nocturne fascinant sur la mémoire d’un quartier méconnu et controversé.

Quatre comédiennes, avec chacune une lanterne à la main, nous font signe d’approcher dans l’étroit cul-de-sac du Corridor Dalhousie. Le public est invité à les suivre et à se déplacer avec elles d’un point à l’autre de la ruelle. À chacun des arrêts, les complices du Théâtre Nulle Part bricolent sous nos yeux des scènes d’autrefois, faites de théâtre d’ombres et de courts récits fictifs d’anciens résidents du quartier.

D’abord, elles nous racontent l’époque glorieuse du secteur, cette période vers 1915 où Griffintown était le berceau de la révolution industrielle canadienne. Puis, fortement ébranlé par la crise économique de 1929, il a vu ses usines fermées et sa population décroitre. Finalement, en 1965, la construction de l’autoroute Bonaventure a achevé la vie d’un quartier déjà bien mal en point et qui se trouve désormais au centre d’un très controversé plan de développement urbain.

Fenêtres Murées / Daylight Robbery ouvre un dialogue intime entre les différentes époques de ce quartier autrefois très animé. La mise en scène s’appuie sur une foule de procédés de théâtre d’ombres. Ces ombres projetées approfondissent l’espace narratif et rendent sensible l’expérience du lieu. Une lampe de poche et une échelle en bois deviennent les matériaux d’une scène savoureuse où une jeune femme compte les trains pour y lire son futur. Quelques minutes plus tard, au dessus de nous, un train du CN siffle dans la nuit…

Ou encore, comment oublier la percutante scène finale où tous les spectateurs, entassés les uns contre les autres au fond de la ruelle, se retournent tous en même temps vers les lumières des grattes-ciel du centre ville. Une chanson est entonnée, une émotion nous noue tous la gorge. Ce soir, la mémoire se propage.

Le second laboratoire de performance in situ du Théâtre Nulle Part intitulé Fenêtres Murées / Daylight Robbery est présenté dans le cadre de Urban Occupations Urbaines (UOU) et en collaboration avec Le Corridor Culturel de Griffintown. En seulement un mois, la directrice artistique de la compagnie, Mélanie Binette, et ses complices Maryse Beauchamp, Catherine Dumas et Roxanne Robillard ont su créer un projet où le spectateur se construit lui aussi une mémoire de ce lieu voué à disparaître. Leur spectacle rythmé et empreint de poésie rend inoubliable cette soirée passée dans les ruelles de Griffintown. Le projet s’insère dans la démarche du UOU qui souhaite revaloriser l’espace du quartier par l’intervention artistique pour faire prendre conscience de la valeur du lieu.

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