Grand écart improvisé

icone Culture
Par Vanessa Gauvin-Brodeur
mercredi 26 janvier 2011
Grand écart improvisé

Après la LNH, la LNF, la LNI, la LIM et le reste des ligues commençant par la même lettre, voici la L’IC: l’Impro Cirque. Là où le cabotinage n’est pas permis, mais où les clowns sont admis, L’IC fait son entrée en piste.

À moins que ce ne soit pour jouer les funambules sur les toits, difficile de croire que Philippe Trépanier et Nicolas Fortin termineront leur carrière dans une tour du centre-ville en veston-cravate. Depuis qu’ils se sont lancés dans l’improvisation circassienne, le clown et le jongleur ont créé la L’IC, une ligue d’improvisation rassemblant les règles de base de l’improvisation théâtrale, et les multiples disciplines du cirque. De l’improvisation à l’état pur, classique dans sa forme, mais très originale dans son contenu puisque les comédiens sur scène sont des acrobates qui s’adonnent au jeu avec beaucoup de souplesse.

«Montréal est un peu devenue la référence pour les arts du cirque à l’international grâce au Cirque du Soleil, mais on voulait montrer qu’il y avait autre chose. Il y a plein d’autres compagnies de cirque au Québec et on voulait les rassembler », raconte Philippe, qui tient le rôle de l’arbitre durant les matchs d’impro. Des acrobates du Cirque Éloize et des 7 doigts de la main sont présents durant les matchs, tout comme les élèves de l’École nationale de cirque, basée à la Tohu dans le quartier Saint-Michel.


Troquer son costume

Évoluant autour des principes et des règles de la Ligue Nationale d’Improvisation (LNI), les matchs de la L’IC opposent deux équipes sur la base d’un thème pioché au hasard. Sur une scène encerclée par une foule qui vote dans le but de désigner une équipe gagnante, les acrobates qui se jettent en piste doivent parfois jongler avec des disciplines qui ne leur sont pas si familières. Les trapézistes peuvent devenir jongleurs ou clowns à tout moment. Ainsi, le monocycliste se retrouvera, par exemple, équilibriste lors de la deuxième mi-temps du match. « On touche à des choses auxquelles on n’est pas forcément habitués, c’est un travail de création qui donne pas mal de résultats pour la suite de notre développement en tant qu’artistes », explique Yohanne Trépanier qui a déjà participé à deux rencontres d’impro cirque. «Cela sensibilise à l’écoute de tes partenaires, c’est important sur une scène», précise Anny Laplante, acrobate de main à main ayant tenté l’expérience de la L’IC au festival Montréal complètement cirque, l’été dernier. «Une expérience qui enrichit», affirment les deux troubadours qui ne sont pourtant ni comédiens, ni amateurs d’improvisation théâtrale. «Il faut aussi être conscient que les acrobates ne sont pas des acteurs, et les aider à développer quelque chose», renchérit Philippe, qui voudrait entreprendre un partenariat de stages avec des comédiens de la LNI.

Projet en équilibre

Si la L’IC a été créée à la base pour venir en aide financièrement à des collègues blessés, elle subsiste aujourd’hui difficilement, comme beaucoup de troupes dont le financement s’avère précaire. «C’est un peu stressant. Les subventions sont rares et lentes à arriver », mentionnent les deux fondateurs de la L’IC, qui sont conscients de la réalité du milieu du spectacle. « Le concept est très intéressant, c’est quelque chose de nouveau et de créatif », évoque Jean-Philippe La Couture, directeur des événements spéciaux au Cirque Éloize, qui commandite actuellement la L’IC sur le plan de l’espace et de l’équipement. «On veut leur donner une chance pour faire suite à une idée que l’on sait forcément bénéfique pour les artistes de cirque », ajoute-t-il. Aussi bénéfique peut-être pour le public qui se retrouve nez à nez avec la véritable nature de ces artistes « sans maquillage, sans costume, sans artifice, sortis de leur carcan habituel et de leur spécialité acrobatique », précise Philippe.

Loin de leur confort

Avide de cirques, Suzie Drouin, qui travaille pour une compagnie d’assurance, a as s i s té pour une deuxième fois à l’événement de la L’IC. «On ne peut jamais savoir à quoi s’attendre d’un thème et d’une partie à l’autre, affirmet- elle. Même pour les habitués du monde du cirque, c’est étonnant de voir à quel point on n’a aucune idée du déroulement d’un match. Tout se passe directement sous nos yeux. C’est très surprenant ! » À quand le match entre acrobates et comédiens ? La LNI a intérêt à travailler son grand écart.