Gouvernance : gestes dissidents

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Par Félix Lacerte-Gauthier
mercredi 8 février 2017
Gouvernance : gestes dissidents
Le professeur Jean Leclair, de même que deux collègues de la Faculté de droit, ont présenté la position de leur assemblée facultaire en AU le 30 janvier dernier. Crédit photo : Courtoisie Jean Leclair.
Le professeur Jean Leclair, de même que deux collègues de la Faculté de droit, ont présenté la position de leur assemblée facultaire en AU le 30 janvier dernier. Crédit photo : Courtoisie Jean Leclair.
Lancé en décembre afin d’être soumis au gouvernement provincial lors de la rentrée parlementaire le 7 février, le projet de réforme de la charte de l’UdeM est loin de faire l’unanimité. Plusieurs actions ont été entreprises par les membres de la communauté universitaire pour marquer leur désaccord avec cet exercice.
« J’espère que le mot “univers” dans université va conserver son sens, que ça restera un lieu où on proposera à des étudiants intelligents le plus large éventail de connaissances possible. »
Jean Leclair, professeur à la Faculté de droit et membre du Centre de recherche en éthique de l’UdeM

Née d’une initiative du Syndicat général des professeurs et professeures de l’UdeM (SGPUM) et signée par plusieurs associations de l’UdeM, la lettre ouverte dénonce un « coup d’État » de l’administration. L’étudiant au baccalauréat en anthropologie et secrétaire externe de l’Association étudiante en anthropologie de l’UdeM (AÉAUM), Nicolas Welsh, s’inquiète que la réforme de la charte de l’UdeM puisse permettre à des individus extérieurs de décider des orientations générales de l’Université, au détriment de l’enseignement et de la recherche libre. « Nous n’avons pas eu l’occasion de prendre une position claire et précise contre cette charte, précise-t-il, alors que son association est signataire de la lettre du SGPUM. La lettre ouverte a été faite rapidement et il a fallu agir vite. Nous définirons ensuite un mandat officiel et précis en assemblée générale. »

Cette notion que des membres indépendants issus du monde des affaires puissent avoir un pouvoir décisionnel trop important est également partagée par le professeur à la Faculté de droit et membre du Centre de recherche en éthique de l’UdeM, Jean Leclair. Il s’inquiète que les orientations fondamentales de l’UdeM soient confiées à des personnes de l’extérieur. « J’espère que le mot “univers” dans université va conserver son sens, que ça restera un lieu où on proposera à des étudiants intelligents le plus large éventail de connaissances possible », confie le professeur. Il craint toutefois que le choix des sciences enseignées puisse être déterminé par des notions d’utilitarisme ou d’utilité concrète pour des emplois immédiats.

Une réforme précipitée

Plusieurs des opposants au projet de refonte de la charte se sentent bousculés par sa précipitation et son calendrier très serré. « En fait, ce qu’on dénonce, c’est le processus expéditif qui, selon nous, témoigne plutôt de la volonté du recteur d’imposer son projet », indique la responsable aux communications du Syndicat des étudiant-e-s salarié-e-s de l’UdeM (SÉSUM), Véronique Meunier, qui est signataire de la lettre du SGPUM.

Soulevant que cette proposition de refonte aurait dû légalement provenir de l’Assemblée universitaire (AU) en vertu des règlements présentement en place, le professeur au Département de science politique de l’UdeM Laurence McFalls a intenté une mise en demeure à l’endroit de l’UdeM, lui demandant de cesser le processus qu’il considère illégal. Le cabinet McCarthy-Tétreault, qui représente le Conseil de l’Université, a répondu par une lettre datée du 25 janvier que le processus ne serait pas interrompu. Le professeur souhaite dorénavant mettre des pressions sur le gouvernement. Le report du dépôt du projet ne règle pas le dossier, selon lui. « La bataille continue par tous les moyens, affirme M. McFalls. Que le calendrier soit trois mois au lieu de trois semaines ne change rien.» Il affirme que quiconque est intéressé par le contenu d’une loi privée peut se présenter en commission parlementaire. Ce dernier a annoncé souhaiter montrer qu’il n’y a pas de consensus au sein de la communauté universitaire en ce qui a trait au projet de charte.

La Faculté de droit de l’UdeM a également rejeté le projet de réforme à l’unanimité en assemblée facultaire. « La Faculté de droit n’en a pas contre le projet de réforme, on reconnaît qu’il y a des problèmes sur le plan de la gestion de l’Université, dévoile M. Leclair. Notre préoccupation est de voir que le projet amènerait une concentration de pouvoir entre les mains du comité exécutif de l’Université, au détriment notamment de l’Assemblée universitaire. » Il rappelle par ailleurs que la précédente modification de la charte de l’UdeM, effectuée en 1967, avait pris six ans pour se réaliser, alors que l’administration tente actuellement d’imposer des échéances sur six semaines.

M. Leclair tient à ce propos à rappeler l’importance de prendre son temps afin que le processus soit satisfaisant pour toutes les parties. « Tout le monde a intérêt à s’entendre, rappelle-t-il. Mais tel qu’il est formulé, le projet de loi qu’on veut adopter pour régler les problèmes de gouvernance va seulement l’envenimer. » Selon le professeur, le projet devrait également faire l’objet d’une consultation de l’ensemble de la communauté universitaire pour être jugé légitime.

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