Volume 22

Gérer ses parents sur Facebook

«L’arrivée des parents sur Facebook fait partie d’un phénomène général qui a déjà touché d’autres générations, juge le directeur du Département de communication de l’UdeM, François Cooren. Dans les années 1990, le passage au courriel avait aussi causé un certain chamboulement. » En dépit des conflits que cela peut engendrer, 93 % des utilisateurs de ce réseau social sont néanmoins amis avec des membres de leur famille, indique une étude du Pew Research Center, datée de janvier dernier.

L’étudiant au baccalauréat en musique – Interprétation instruments classiques et tromboniste Guillaume Goyette-Allaire ne compte pas pour sa part accepter ses parents sur ce site. « Pour moi, un réseau social est fait pour être en contact avec des amis, des contacts utiles ou des anciens amis, et pour m’exprimer librement, juge-t-il. Je ne crois pas que mes parents doivent voir mon contenu Facebook, même si je ne cache rien de particulier, c’est ma vie privée. »

Le professeur adjoint au Département de sociologie de l’Université Laval Dominique Morin, estime que ce choc générationnel n’est pas né avec l’arrivée des technologies. « Dans la société contemporaine, on valorise plus l’individualité que l’appartenance à la famille, explique le professeur. Les enfants sont encouragés à développer une identité qui leur est propre et à s’affirmer. » Selon lui, cette rupture avec la tradition familiale s’est exprimée principalement à partir de la génération des baby-boomers, laquelle a ensuite transmis ces valeurs à ses enfants.

Pourtant, la relation conflictuelle ne se présente pas de la même façon dans toutes les familles. « Tout s’est fait de façon naturelle, explique l’étudiante au baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire Catherine Labelle. Je suis proche de mes parents alors c’était normal pour moi de les ajouter sur Facebook. »

La volonté des parents de créer un rapprochement avec leur enfant peut toutefois se heurter au rapport d’autorité qu’ils ont établi avec eux, selon M. Cooren. « Cela remet en question le concept d’ami, propose-t-il. C’est une catégorie très générale qui crée une confusion, on n’est normalement pas ami avec son père ou sa mère. » Pour lui,des commentaires trop personnels ou certaines maladresses de la part des parents peuvent gêner les étudiants qui ont choisi d’accepter la demande d’amitié de leurs parents.

« Une fois, j’ai publié une photo de mon copain et moi sur Facebook, raconte la doctorante en pharmacie Rosa de Fenza. Une cousine de mon père qui ne savait pas que j’étais en couple a appelé ma mère et lui a demandé qui était le garçon sur ma photo ! »

Selon M. Morin, la compréhension des façons d’agir sur ce réseau social peut être différente selon la génération. « Quand les parents arrivent sur Facebook, ils se l’approprient et renvoient une certaine image de leur enfant par leurs commentaires et leur façon d’interagir, juge M. Morin. Un conflit peut alors surgir puisque cette image peut ne pas correspondre à l’identité que le jeune veut transmettre. »

Créer des catégories

Le fait de s’adresser à différents publics demeure également une difficulté sur ce site, selon M. Cooren. « Le problème, c’est que Facebook aplanit les différences, on peut avoir l’impression que notre patron ou les membres de notre famille deviennent de simples ami s », juge le directeur.

Le site propose néanmoins certaines solutions pour mieux gérer les relations avec ses parents, sa famille et ses collègues en ligne. « Il est possible sur Facebook de trier tous les contacts en diverses listes, et de choisir qui peut voir chaque publication », précise Guillaume.

Catherine, pour sa part, est encore plus prudente. « J’essaie de limiter les photos de party par exemple, et pas seulement pour mes parents, dit-elle. Pour moi, elles n’ont pas leur place dans le domaine public. » En plus de gérer l’autorité parentale sur ce réseau social, les jeunes essaieraient de valoriser leur image virtuelle en grandissant.« Ce que tu ne voudrais pas que tes parents voient, ne le publie pas, conseille l’étudiante. Sinon, ce sera un de tes futurs patrons qui le verra… »

Une étude réalisée par Facebook et intitulée Demographic and Statistics démontre que depuis trois ans, près de trois millions de jeunes âgés de 13 à 17 ans ont quitté le réseau social. Durant la même période, l’arrivée des plus de 50 ans a explosé.

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