L’étudiant à la maîtrise en sociologie à l’UdeM Olivier De L’Étoile écrit son mémoire sur le cas particulier des backpackers, ces personnes qui voyagent seules et à peu de frais. Selon lui, la notion de backpacker a beaucoup changé avec l’avènement du web. « Dans les années 1970, on recherchait le voyage initiatique, on partait, tout simplement, explique-t-il. À présent, on souhaite rester connecté. La gestion des risques est également mieux contrôlée : le backpacking existe toujours, mais on partage sa solitude avec le monde entier ! »
Selon le jeune homme, il serait donc plus facile de partir de nos jours, notamment grâce à la sécurité qu’apporte l’ère des réseaux. « On peut facilement joindre ses proches ou organiser son trajet à l’avance, résume-t-il. Mais il y a différentes explications au fait que ce soit plus facile de partir aujourd’hui : les vols à faible coût, la possibilité de partir en échange universitaire, l’accès à la profession moins rapide qu’à une autre époque. »
L’étudiante à HEC Montréal Solveig Patault est actuellement en échange universitaire en Corée du Sud. « Je tiens un blogue sur mon voyage, car raconter son aventure n’est pas une tâche facile, confie-t-elle. Nos proches veulent savoir ce qu’on a vu et fait, mais on ne sait jamais par où commencer. De cette façon, je peux révéler beaucoup plus de détails. »
Le marché des jeunes voyageurs est l’un des plus dynamiques en tourisme selon l’OMT, notamment grâce à l’utilisation des nouvelles technologies. Facebook, Instagram, Snapchat ou les blogues se sont immiscés dans les différentes étapes d’un voyage, et Internet est devenu un outil pour organiser son trajet autant que pour partager son récit et communiquer avec sa famille. « Honnêtement, je ne sais pas si mon expérience aurait été la même sans les réseaux sociaux pour combler le sentiment de distance, avoue Solveig. J’aime penser que oui, mais probablement qu’en vérité elle aurait été un peu plus difficile sachant que j’échange presque quotidiennement quelques mots avec une personne de Montréal. »
L’étudiant au baccalauréat en communication, politique et société à l’UQAM David Rioux est parti seul durant six semaines en Afrique du Sud cet automne. « Aujourd’hui, il faut donner et avoir des nouvelles, nous sommes habitués à ça ! déclare-t-il. Mais je pense que je serais tout de même parti sans l’existence des réseaux. »
Quelque chose à prouver ?
Pour le professeur titulaire au Département de sociologie à l’UdeM Jacques Hamel, il existe un véritable paradoxe chez cette nouvelle génération de voyageurs. « Nous vivons dans l’ère de l’individualisation, souligne-t-il. Ce n’est pas forcément de l’égocentrisme, mais plutôt le besoin de prouver que l’on est capable de faire l’expérience de l’inconnu : on agit de son propre chef et on le montre. »
Pour M. Hamel, le voyageur pourrait ainsi ne pas profiter pleinement de la culture dans laquelle il est immergé et qu’il souhaitait a priori découvrir, car il est trop divisé entre son pays d’origine et le lieu de son voyage. « On souhaite partir seul à l’étranger, mais on s’expose, on se met en scène par les photos et finalement on ne se déconnecte pas vraiment du quotidien », pointe-t-il.
David a partagé les étapes de son voyage sur une page Facebook avec plus de 200 abonnés. « Au Lesotho [NDLR : royaume en Afrique du Sud], je n’avais aucune connexion Internet, se rappelle-t-il. Le soir, je n’avais rien à faire, je ne me suis jamais senti aussi seul de ma vie ! C’est une très bonne chose, mais il faut s’habituer. Au moins, on vit la réalité du moment. »
En amont du départ, la consultation des réseaux sociaux peut être inspirante et rassurante, selon David. « J’ai toujours eu le voyage dans le sang et grâce aux réseaux sociaux, j’ai de nouvelles idées, je me rends compte que je ne suis pas le seul, je rencontre des personnes qui parlent aussi voyages ! dit-il. On part probablement plus sereinement en suivant cela, on peut s’organiser un minimum. » Pouvoir suivre les aventures des uns influencerait ainsi davantage les autres à franchir le pas. En 2020, l’OMT prévoit que les jeunes effectueront près de 300 millions de voyages internationaux.
*En 2010, les 15-30 ans représentaient 20 % des touristes internationaux dans le monde selon l’OMT, une augmentation de 40 % par rapport à 2007.