Les partis indépendantistes ont remporté, le 27 septembre, la majorité absolue des sièges aux élections régionales en Catalogne. Ils présentent ce succès comme un mandat pour mener cette riche région d’Espagne vers un référendum sur l’indépendance. Quelques jours avant les résultats du vote, Quartier Libre a pris le pouls de l’ambiance auprès des étudiants montréalais en échange.
« C’est impossible de marcher dans Barcelone sans avoir un drapeau catalan dans son champ de vision », affirme l’étudiant au baccalauréat en génie aérospatial à l’École Polytechnique de Montréal Antoine Cadotte. Le jeune homme a remarqué un certain « engouement indépendantiste » au cours de son échange à l’Université Polytechnique de Catalogne à Barcelone de février à juin.
Les revendications indépendantistes catalanes connaissent des rebondissements depuis la modification du Statut d’autonomie de la Catalogne par le Tribunal constitutionnel de Madrid. Négocié en 2006 avec le gouvernement socialiste de Zapatero et approuvé par le Parlement national, le Statut d’autonomie a été, en partie, invalidé en juin 2010 sur demande du Parti populaire conservateur. « Il y a dix ans, l’appui à l’indépendance était de 15 à 20 % maximum, explique le responsable de la mineure en études catalanes à l’UdeM, Èric Viladrich Castellanas. La réforme de la charte a constitué un bouleversement dans l’opinion et une poussée indépendantiste. »
Des manifestations ont suivi cette décision avant de propulser Artur Mas, partisan de l’indépendance, au poste de représentant de l’État dans sa communauté autonome en décembre 2010. Il avait promis en 2012 d’obtenir de Madrid une autonomie fiscale qui aurait permis à la Catalogne plus de contrôle sur ses impôts. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy s’y est opposé. « Ce qui ressort le plus de mes discussions avec les gens ici, c’est qu’ils blâment Madrid pour la mauvaise gestion économique du pays », raconte l’étudiante au baccalauréat en design d’intérieur à l’UdeM Andrée-Anne Ledoux, arrivée à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone pour la session d’automne.
La tentation séparatiste au cœur des élections régionales
« La ferveur indépendantiste se ressentait déjà un peu partout dans la ville, affirme l’étudiant à la maîtrise en affaires publiques et internationales à l’UdeM Fabrice Lachance Nové, parti en échange à l’Université de Barcelone entre septembre 2012 et janvier 2013. Beaucoup de jeunes Catalans accordent une grande importance à la question nationale ainsi qu’à la protection de leur patrimoine linguistique et culturel. »
Le 9 novembre 2014, l’exécutif catalan a organisé une consultation populaire qui a donné une très large victoire aux indépendantistes, mais le gouvernement central de Madrid a jugé ce scrutin illégal.
Pour le gouvernement catalan sortant, les élections régionales du 27 septembre ont valeur d’un plébiscite en faveur de l’indépendance. Aux enjeux traditionnels de sauvegarde de la culture et de la langue catalanes se sont ajoutés des enjeux de gouvernance. « L’indépendance est une façon de se doter des outils nécessaires pour aller vers plus de démocratie, plus de participation citoyenne et plus d’efficacité économique », explique M. Viladrich Castellanas.
L’enjeu indépendantiste à l’université
La question de l’indépendance n’est pourtant pas omniprésente à l’université, selon l’étudiant à la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional à l’Université Laval Christian Bizier, en échange à Barcelone au printemps dernier. « Trois de mes professeurs étaient catalans, rapporte-t-il. J’ai su au fil de discussions informelles avec eux qu’ils étaient indépendantistes, mais ils n’ont jamais profité de leurs cours pour faire du prosélytisme. » Le jeune homme se trouve actuellement en Catalogne en tant que représentant du comité des relations internationales du Parti québécois et collaborateur du Réseau Québec-Monde, qui organise du tourisme politique.
Dans cette région, les cours sont donnés en castillan ou en catalan, et il est fréquent que les deux langues cohabitent. « Lors d’un cours, il y avait plusieurs professeurs, certains parlaient espagnol alors que d’autres poursuivaient en catalan, indique l’étudiant au baccalauréat en architecture Adrien Bravo, en échange à l’Université Polytechnique de Catalogne. Il y a une symbiose des deux langues à l’université. »
Les universités ne sont pas l’enjeu principal de ces élections régionales. Pourtant, parmi les mouvements souverainistes, les avis divergent sur leur gestion. « La Candidature d’unité populaire demande la gratuité des universités publiques alors que la Convergence démocratique de Catalogne privilégie un modèle payant à l’anglo-saxonne », soutient le chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes de l’UQAM Marc Sanjaume-Calvet.
La liste Ensemble pour le oui, principale coalition indépendantiste, a obtenu 62 sièges. L’autre liste indépendantiste, d’extrême gauche, Candidature d’unité populaire, en obtient 10. Avec 72 sièges, ils dépassent la majorité absolue, à 68 sièges sur 135. Le président indépendantiste sortant, Artur Mas a promis qu’en cas de victoire lui et ses alliés mèneraient la Catalogne vers l’indépendance en 2017. Si la Catalogne quittait l’Espagne, elle emporterait avec elle un cinquième du PIB du pays.