Volume 20

L’augmentation de la moyenne des notes des étudiants québécois s’expliquent notamment par un meilleur encadrement et une plus grande accessibilité aux études. (Crédit : Dominique Cambron-Goulet)

Faut-il craindre l’inflation des notes?

Différentes études ont démontré une hausse notable des moyennes au premier cycle universitaire ces dernières années. Cette augmentation des notes ne constitue ni un problème ni le signe d’un laxisme des professeurs québécois.

En 2002, Christian Nadeau, qui était alors étudiant en économie à l’Université Laval, a observé dans la même université une augmentation des notes entre 1988 et 2001. Selon son étude, les moyennes des 16 facultés ont augmenté et, dans toutes les facultés sauf une, les notes sont moins dispersées. Par exemple, en 1988, 26 % des notes décernées à la faculté de médecine de l’Université Laval étaient des A. En 2001, ce taux s’élevait à 67 %. 

Le professeur en philosophie à l’UdeM Frédéric Bouchard explique qu’il est avant tout important de comprendre pourquoi il existe un système de notation. «Il existe deux philosophies par rapport à la notation, affirme M. Bouchard. Selon la première, noter permet de mieux savoir comment aider l’étudiant à atteindre ses objectifs pédagogiques.» Les notes permettent ainsi de cibler et de soutenir les étudiants en difficulté.

«L’autre philosophie implique que les notes permettent de déterminer qui est bon, qui devrait recevoir les bourses et obtenir les meilleures professions, poursuit-il. C’est un système de sélection.» La vice-doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM, Pascale Lefrançois, explique qu’il est difficile de comparer les notes de différentes générations et de différents cours. «Les professeurs ont la liberté de fixer la lettre qu’ils décident d’associer à une certaine valeur numérique, affirme-telle. Un professeur peut attribuer un D à une note de 50 %, alors qu’un autre peut attribuer un D à une note de 60 %. Et d’autres professeurs attribuent des lettres directement.»

Un problème ou pas ?

L’expression « inflation des notes » gêne un peu M. Bouchard. « C’est très difficile de déterminer si ce phénomène existe, même si les moyennes augmentent, estime-t-il. La population étudiante, les travaux et le contenu des cours ont évolué. On donne peut-être des notes plus élevées, mais ce n’est pas le même travail.» «L’augmentation des notes ne pose pas problème en soi», résume M. Bouchard. Selon lui, c’est le fait que les notes permettent de distinguer les meilleurs et les moins bons étudiants qui compte. Mme Lefrançois va dans le même sens. «Si nous pouvions moins facilement trouver les meilleurs pour les bourses et les cycles supérieurs, car nous donnons des notes fortes à tout le monde, l’augmentation des notes deviendrait un problème», dit-elle .

Les professeurs ne sont pas pour autant devenus laxistes dans leur correction. « Je ne donne pas de notes gratuites, mais je donne tout l’encadrement dont les étudiants peuvent bénéficier. Ce qui me préoccupe, c’est l’apprentissage et non la note», affirme la professeure au département d’éducation et pédagogie de l’UQAM Lise Bessette. « Je ne pense pas qu’une hausse des moyennes pose problème, sauf si elle est artificielle. Et, je ne crois pas que les professeurs donnent des notes non méritées.» Une position que partage Mme Lefrançois. «Si le nombre de A a augmenté, il ne faut pas nécessairement conclure que les études sont plus faciles», dit-elle .

Plus d’accessibilité, plus de A

Selon Frédéric Bouchard, la meilleure accessibilité aux études universitaires expliquerait en partie l’augmentation des moyennes. «Il y a beaucoup plus de femmes et des membres de différentes couches sociales parmi les étudiants aujourd’hui, explique le professeur. La moyenne se déplace vers le haut, car peut-être qu’avant la Révolution tranquille, beaucoup d’étudiants intelligents n’allaient pas à l’université.»

L’encadrement des étudiants est également plus fort que par le passé. «Pour le même travail, les étudiants nous consultent beaucoup plus que dans le passé, affirme Mme Bessette. Les professeurs sont devenus plus accessibles grâce au courriel, même pour certains d’entre eux par Skype.»

Les progrès effectués en matière de science de l’éducation expliquent également la meilleure réussite des étudiants. «L’évaluation de l’apprentissage est un champ de recherche que nous connaissons mieux aujourd’hui, explique Mme Lefrançois. De plus en plus de professeurs sont sensibilisés à poser des questions plus pertinentes aux examens.»

 

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Baisse du temps d’études

Les notes sont en augmentation, mais paradoxalement, le temps consacré à étudier à l’extérieur des cours est en baisse, selon des études américaines. Des chercheurs de l’Université de Californie à Santa Barbara ont estimé qu’au début des années 2000 les étudiants consacraient en moyenne 12 heures à leurs études par semaine, contre 24 heures 30 ans plus tôt.

Pour la vice-doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdeM, Pascale Lefrançois, cette situation s’explique par l’évolution de la clientèle universitaire. «Les étudiants ne sont plus tous des jeunes de 19 ans.» Aujourd’hui, certains étudiants sont des personnes de retour aux études qui doivent concilier ces dernières avec leur vie professionnelle et familiale.

Selon le professeur en philosophie à l’UdeM Frédéric Bouchard, la productivité des étudiants ne se mesure pas juste en nombre d’heures. «Quand je corrige des travaux, je ne tiens pas compte de la quantité de temps consacrée au travail, affirme le professeur. Si on réduit la qualité d’un étudiant à son temps d’études, le diplôme devient un acte de présence.» internet a rendu la recherche beaucoup plus rapide, et d’autres technologies permettent un tri beaucoup plus efficace de l’information, ce qui permet aux étudiants d’accroître leur productivité.

 

 

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