Faire éclater le plafond de verre

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Par Katy Larouche
mercredi 26 novembre 2014
Faire éclater le plafond de verre
La vice-rectrice aux affaires étudiantes et au développement durable, Louise Béliveau est l’une des quatre femmes qui a été nommée par Guy Breton dans le premier rectorat paritaire de l’UdeM.
Crédit photo : Isabelle Bergeron
La vice-rectrice aux affaires étudiantes et au développement durable, Louise Béliveau est l’une des quatre femmes qui a été nommée par Guy Breton dans le premier rectorat paritaire de l’UdeM.
Crédit photo : Isabelle Bergeron
Elles sont plus nombreuses à obtenir des diplômes universitaires. Pourtant, les femmes demeurent sous-représentées dans les conseils d’administration et dans la haute direction. Même si aucune femme n’a jamais occupé le poste de rectrice à l’UdeM, la situation semble toutefois être plus favorable à l’Université que dans le secteur privé.

«Il y a eu de grandes avancées, mais depuis les dix dernières années, on connaît une stagnation, précise la professeure à l’École de relations industrielles de l’UdeM, Émilie Genin. À ce rythme-là, ça prendra 75 ans avant d’atteindre la parité. » Ce phénomène appelé plafond de verre désigne le fait que, dans une structure hiérarchique, les niveaux supérieurs ne sont pas accessibles aux femmes. « À l’Université, je dirais que le plafond de verre est plus mince, mais il existe quand même », juge-t-elle.

La vice-rectrice aux affaires étudiantes et au développement durable de l’UdeM, Louise Béliveau, estime aussi que l’Université constitue un milieu privilégié pour évoluer lorsqu’on est une femme. « L’Université de Montréal est un milieu relativement ouvert, et je ne pense pas que le fait d’être une femme ait nui à ma carrière », affirme-t-elle.

Lorsqu’il a obtenu le poste de recteur en 2010, Guy Breton a choisi de nommer autant de femmes que d’hommes au poste de vice-recteur. « J’ai été chanceux quand j’ai créé l’équipe, il y avait des femmes compétentes, disponibles et intéressées par le poste, mais ce n’est pas toujours le cas », explique M. Breton. Selon lui, le corps professoral qui n’est composé que de 38 % de femmes rend plus difficile l’atteinte de la parité dans les postes de direction qui demandent plus d’ancienneté.

La conseillère en gestion de la diversité à l’UdeM, Maryse Darsigny, rappelle effectivement que d’autres postes de directions sont toujours sous-représentés. « Au poste de doyen, il y a seulement 31 % de femmes, alors que le bassin de main-d’œuvre disponible était de 45 % en 2003 et qu’il risque d’avoir augmenté depuis » , souligne-t-elle. Le bassin de main-d’œuvre disponible est une donnée fournie par Statistique Canada qui permet de connaître le nombre de femmes qui correspond au profil d’études et d’expérience pour un poste en particulier.

En 2009, l’UdeM s’est doté d’une politique d’égalité en matière d’embauche et de promotion. « Lorsqu’il y a un grand écart entre le bassin de main-d’œuvre disponible et le nombre de femmes qui occupent un poste, je peux recommander au comité de sélection de favoriser la candidature d’une femme », indique Maryse Darsigny. À son avis, l’embauche doit d’abord se faire selon les compétences, c’est pourquoi elle ne favorise pas une approche de discrimination positive. C’est seulement à compétences égales qu’une candidate pourrait être privilégiée.

Gravir les échelons

« Selon ce qu’on appelle l’effet cendrillon, les femmes ont tendance à penser que seule leur productivité leur permettra d’obtenir des promotions, explique Émilie Genin. Toutefois, elles négligent le fait qu’il faut entretenir son réseau, aller dans les 5 à 7 ou avoir un mentor pour progresser. »

La vice-rectrice Louise Béliveau constitue toutefois la preuve qu’il est possible de gravir les échelons, même sans être adepte des 5 à 7. « Je n’ai jamais fait de réseautage, du moins consciemment, dans le but d’accéder à des postes de plus hautes responsabilités, mais j’aurais peut-être dû le faire », admet-elle en riant.

Même si les milieux de direction favorisent encore le réseautage entre hommes, Louise Béliveau croit que les femmes peuvent aussi tirer leur épingle du jeu. « De la même façon, les femmes réseautent entre elles, souligne-t-elle. Avec les doyennes et les vices-doyennes, on se côtoie, on fait des soupers ensemble et on jase. »

Première présidente du réseau de l’Université du Québec, Sylvie Beauchamp croit, pour sa part, que c’est l’accompagnement d’un mentor qui l’a aidée dans son cheminement. « J’ai eu un patron qui a cru en moi, se souvient-elle. Il voyait plus mon potentiel que moi-même. » Selon elle, les femmes sont souvent plus modestes et ne se mettent pas naturellement à l’avant-plan.

« Si les femmes agissent comme les hommes lorsqu’elles occupent des postes d’autorité, elles sont perçues comme hystériques ou agressives, alors que si elles sont plus conciliantes, on risque de juger qu’elles font preuve de mollesse et qu’elles manquent d’autorité » , estime Émilie Genin. C’est pourquoi il n’est pas toujours facile pour les femmes de jongler entre ces différentes contraintes.

Le recteur de l’UdeM, Guy Breton, estime néanmoins que cette diversité constitue une richesse au sein de son équipe. « Ce n’est pas parce qu’une femme prend une fonction qui est traditionnellement occupée par des hommes qu’elle doit prendre leurs réflexes, il faut que les femmes restent authentiques », juge-t-il.

L’attitude plus rassembleuse des femmes fait partie des caractéristiques qui leur permet de se démarquer des hommes dans la gestion d’équipe.« Pour moi, le leadership, c’est de reconnaître que l’équipe est plus forte que le dirigeant seul, affirme Sylvie Beauchamp . Il faut absolument travailler ensemble pour obtenir des résultats. »

De la même façon, la présidente de l’UQ accorde une grande importance à la nouvelle génération.« Il faut s’assurer que des femmes soient formées pour prendre la relève, croit-elle. Quand on leur donne des opportunités et qu’on leur fait confiance, les femmes ont tendance à être plus sûres d’elles. » C’est pour cette raison qu’elle s’est entourée de trois femmes afin de permettre à d’autres de lui succéder éventuellement.