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La date limite pour remplir l’évaluation d’un enseignement se trouve toujours avant l’examen final.(Crédit : Juliette Diallo)

Quand l’enseignement tient à une note

« Il y a un mythe chez les étudiants, que les évaluations de cours sont inutiles et que rien ne change ; ce n’est pas vrai », avance le vice-recteur adjoint au Bureau de la promotion de la qualité de l’UdeM, Tony Leroux. C’est ce bureau qui supervise et coordonne l’évaluation des programmes d’études en collaboration avec les facultés. Il s’occupe également du processus d’évaluation de l’enseignement avec le Centre de pédagogie universitaire et le Comité institutionnel d’évaluation de l’enseignement.

Depuis 2016, l’Université utilise des sondages numériques pour l’évaluation des cours. Le changement de support utilisé pour faire passer le questionnaire n’est pas sans effets sur le taux de participation.

Papier contre numérique

La littérature scientifique démontre que les sondages numériques ont un plus faible taux de réponse que ceux sur papier, décrit la professeure titulaire au Département de sociologie et spécialiste des sondages Claire Durand.

Ainsi, le taux de participation atteint entre 80 et 90 % lorsque les évaluations sont réalisées sur papier, alors qu’il se situe entre 50 et 60 % dans le meilleur des cas pour leur version électronique. L’Université a toutefois choisi de ne pas divulguer à Quartier Libre les taux de participation aux évaluations de cours d’année en année.

Pourquoi, alors, l’UdeM opte-t-elle pour des sondages en ligne ? Selon la sociologue, la réponse est avant tout économique : ils sont moins chers, plus rapides à mettre en place et évitent les erreurs lors de la numérisation des résultats. « Il fallait décrypter les commentaires des étudiants pour les retranscrire, ce qui représentait un travail énorme », explique Mme Durand.

M. Leroux indique que l’Université a mis plusieurs mesures en place pour inciter les étudiant·e·s à remplir les évaluations. Elle a ainsi demandé aux enseignant·e·s de réserver un moment de leur cours à cet effet et a diffusé des campagnes de promotion.

Elle collabore aussi avec les associations étudiantes du campus, par l’entremise de la FAÉCUM, ainsi que de l’association des étudiant·e·s de la Faculté de l’éducation permanente, l’AGEEFEP.

Ces mesures ont porté leurs fruits entre 2016 et 2019, période au cours de laquelle le taux moyen de participation a augmenté de 4 points de pourcentage. Toutefois, les cours en ligne, imposés par les mesures sanitaires, ont fait de nouveau redescendre le taux de participation de 3,5 points de pourcentage entre 2020 et 2022. Il est ainsi presque revenu au taux moyen de participation observée en 2016.

Quelle valeur ?

« Quand il y a un commentaire négatif, il a tendance à prendre tout le poids par rapport aux bons commentaires [pour l’enseignant] », explique le chargé de cours en études anglaises William Brubacher. Le nombre de réponses peut effectivement avoir une incidence sur la représentativité des résultats. En effet, si peu d’étudiant·e·s remplissent le questionnaire, une seule évaluation négative peut faire chuter la moyenne d’un cours, en particulier dans les petits groupes. Des questions sur l’attention allouée au questionnaire peuvent également se poser quand une faible proportion des sondé·e·s prend le temps de donner son avis. À l’UdeM, « ceux qui répondent font une évaluation sérieuse », précise Mme Durand.

« Par ailleurs, on sait que les évaluations peuvent être moins élevées dans les grands groupes, ou en première année », ajoute-t-elle. Cet élément n’entre toutefois pas en compte dans le calcul des notes, car aucune pondération n’est effectuée. Pour leur permettre d’interpréter leurs résultats, les enseignant·e·s ne reçoivent que la moyenne des notes de leur département.

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3000

C’est le nombre approximatif de cours évalués chaque session d’automne et d’hiver.

Source : Bureau de la promotion
de la qualité de l’UdeM

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Or, la note de certains cours peut se situer en dessous de cette moyenne, parce que ces derniers sont dispensés à des groupes dont les notes sont en général plus basses, explique la professeure. L’enseignant·e ne dispose alors pas de réel indice pour savoir comment soncours se situe par rapport à ceux du même type. Dans le cas où l’insatisfaction des étudiant·e·s se traduirait dans les commentaires, seul·e l’enseignant·e est en mesure de les voir, et donc d’agir en conséquence.

Craintes et négociations

Toutefois, des craintes émergent quant à l’utilisation des résultats par les employeurs, en particulier du côté des syndicats enseignants. « Les évaluations sont laissées entre les mains des directions de départements, qui décident ce qu’elles en font, et elles pourraient avoir une démarche punitive », témoigne une personne du corps enseignant de la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM. Elle a demandé l’anonymat afin de ne pas compromettre ses relations dans le milieu universitaire. Pour elle, l’Université « peut refuser la probation d’un chargé de cours sur la foi de mauvaises évaluations », ce qui précariserait les chargé·e·s de cours.

Pour protéger le corps enseignant d’éventuelles conséquences négatives, les syndicats de chargé·e·s de cours réclament donc que les universités formalisent l’utilisation des résultats de ces évaluations. Plusieurs d’entre eux entament cette année des négociations de leurs conventions collectives, sous la bannière de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ). Celle-ci compte parmi ses demandes communes « que le processus d’appréciation étudiante de l’enseignement soit mené en toute transparence et qu’il vise le soutien pédagogique et l’amélioration de l’enseignement et non pas des sanctions de nature disciplinaire ou administrative. »

Que se passe-t-il donc en cas de problème important avec un·e enseignant·e ? « Les étudiants ou l’association ont normalement fait d’autres plaintes au cours de la session », souligne Mme Durand, qui précise que les départements ne découvrent généralement pas de dysfonctionnement majeur à la fin de la session.

Si la situation persiste et se traduit dans l’évaluation chiffrée du cours, « la direction du département va avoir une discussion pour aiguiller l’enseignant vers des ressources, pour que la trajectoire soit corrigée », complète M. Leroux.

Bénéfices et risques

Les trois enseignant·e·s que Quartier Libre a interrogé·e·s sont unanimes : les évaluations leur permettent de se perfectionner. « Même quelqu’un qui a de très bonnes cotes peut trouver des choses à améliorer dans sa façon de faire cours et d’évaluer les apprentissages », mentionne M. Leroux. Certains mentionnent toutefois quelques limites à cette pratique.

En effet, si les méthodes pédagogiques des enseignant·e·s chevronné·e·s sont souvent éprouvées, être évalué dès ses premiers pas dans la profession « est à double tranchant », selon le chargé de cours en études anglaises M. Brubacher, qui a donné son premier cours à la session d’automne 2021, puis un second à celle d’hiver 2023. « On apprend à devenir pédagogue grâce aux retours des étudiants, affirme-t-il, mais se faire évaluer en période d’apprentissage comporte un risque et peut affecter le reste de notre carrière. »

Certaines universités demandent ainsi que les évaluations de cours apparaissent dans le dossier de candidature à des postes en enseignement. Ce n’est pas systématiquement le cas à l’UdeM, qui demande plutôt des lettres de recommandation. L’établissement évalue aussi la capacité des candidat·e·s à transmettre leurs connaissances à l’aide de questions sur leurs habiletés d’enseignement et ces dernier·ère·s doivent également effectuer une présentation de leurs recherches.

Dans le cas des dossiers d’enseignant·e·s qui postulent à des postes de professeur·e titulaire ou agrégé·e, l’UdeM conseille d’ajouter un « rapport aggloméré », qui regroupe toutes les évaluations d’un même cours, mais celui-ci n’est pas obligatoire. Plusieurs autres critères sont pris en compte, comme l’historique des formations en pédagogie que les candidat·e·s ont suivi au cours de leur carrière. Quel que soit le cas de figure, la transmission des évaluations de cours reste donc à l’entière discrétion des enseignant·e·s, et, selon Mme Durand, « on n’a jamais vu un prof ne pas avoir sa promotion à cause de son évaluation d’enseignement. »

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