Volume 22

Étudiants en campagne

« Depuis que j’ai été élue, j’ai arrêté mes études, on fait des journées de douze heures, c’est impossible de concilier les deux », témoigne la députée du Nouveau Parti démocratique de la circonscription fédérale de Rivière-des-Mille-Îles, Laurin Liu. Après son baccalauréat en histoire à l’Université McGill, la jeune femme comptait poursuivre à la maîtrise. Un projet mis sur la glace depuis qu’elle a été élue en mai 2011.

L’ancien étudiant au doctorat en droit à l’UdeM et député de Borduas pour la Coalition Avenir Québec, Simon Jolin-Barrette, a lui aussi suspendu ses études pour la durée de son mandat. « Pour un doctorat, comme pour mon travail de député, je ne peux pas faire des pauses d’une semaine », souligne-t-il. Pour le jeune homme, il n’est pas impossible de concilier politique et études durant la campagne, mais maintenir le cap des études pendant un mandat s’avère plus difficile.

La candidate au Bloc Québécois dans Montarville Catherine Fournier était encore aux études quand elle a commencé à préparer le lancement de sa campagne en juin 2014. « Je dois avouer qu’il était difficile de combiner les deux, d’autant plus que j’étudiais à temps plus que plein, à raison de six cours par session », rapporte-t-elle. La jeune femme a décidé de passer son baccalauréat en accéléré pour se consacrer pleinement au terrain. « J’ai suivi 16 cours dans la seule année 2014, au lieu de 10 », indique la diplômée d’un baccalauréat par cumul, incluant une mineure en science politique et une majeure en sciences économiques.

Selon le professeur en droit à l’UdeM et politologue Pierre Noreau, participer à une campagne exige beaucoup de temps, entre le porte-à-porte, la rencontre des électeurs à la sortie du métro, la participation à des débats publics et l’organisation de campagnes de financement. « Tout cela exige de suspendre toute autre activité, du moins le temps de la campagne », assure-t-il.

Devenir député : un travail sept jours par semaine

De son côté, le candidat dans Pierre-Boucher – Les Patriotes – Verchères pour le Bloc Québécois et étudiant au microprogramme en droit à l’UdeM, Xavier Barsalou Duval détient déjà un baccalauréat en sciences comptables et une maîtrise en administration des affaires. Pour lui, études et politique peuvent se mener de front. « Cela fera bientôt huit ans que je suis engagé au Bloc Québécois et cela n’a pas nui outre mesure à mes études, rapporte-t-il. Beaucoup de jeunes sont ce qu’on pourrait appeler des candidats poteaux [NDLR : candidats perçus comme n’ayant aucune chance de victoire dans leur circonscription et qui organisent peu d’activités de campagne] et n’ont alors aucune difficulté à concilier les deux. » Le jeune candidat a toutefois dû annuler certains de ses cours pour la session. Même s’il espère poursuivre ses études, Xavier n’est pas certain de les mener à terme s’il est élu.

Selon lui, être candidat dans une circonscription difficile peut permettre d’acquérir de l’expérience et représente une bonne façon de faire ses preuves. « Lorsqu’on a la vingtaine, il est rare d’avoir une longue feuille de route et un CV étoffé, pointe-t-il. C’est l’occasion de participer aux débats locaux et de développer un réseau de contacts. »

Toutefois, les jeunes recrues ne sont pas nécessairement toutes des candidats poteaux. Xavier cite en exemple quelques jeunes députés bloquistes et péquistes : Nicolas Dufour, Mathieu Traversy, Dave Turcotte et Thierry St-Cyr, élus entre 21 et 28 ans.

Apprendre le métier… sur le terrain

Selon M. Noreau, si la plupart des partis ne dispensent pas de formation à leurs candidats, l’expérience du terrain reste la meilleure école pour apprendre le métier. « Certains des membres des exécutifs de comté ont représenté leur parti lors d’élections antérieures et peuvent faciliter le travail d’un jeune candidat, précise-t-il. Mais il est préférable d’avoir déjà participé à l’organisation d’une campagne électorale avant de s’y présenter ! »

Catherine et Xavier n’en sont pas à leur première campagne politique. Élections municipales, provinciales, fédérales ou courses à la direction du parti, les deux étudiants se sont déjà plusieurs fois investis comme militants. « Ce sera cette fois ma première campagne en tant que candidat, nuance Xavier. J’ai commencé le porte-à-porte, surtout auprès des membres du parti et je m’assure d’être le plus présent possible lors des activités des différents groupes communautaires de la circonscription. »

Savoir s’entourer

S’investir en politique exige quelques ressources et aptitudes, notamment de bien savoir s’entourer. Pour Simon, ce sont amis et famille qui sont venus l’aider sur le terrain. « On construit une équipe de bénévoles pour faire le porte-à-porte, décrit-il. Certains partis ont de grosses machines pour lancer la campagne, mais quand on travaille au sein d’un plus petit parti, cela nécessite aussi beaucoup d’implication personnelle. »

Plusieurs personnalités politiques ont également motivé et aidé Xavier à percer, comme le militant nationaliste Gilles Rhéaume, qui lui a dispensé des cours d’art oratoire, et l’ancien président du Forum jeunesse du Bloc Québé­cois Simon-Pierre Savard-Tremblay.

Apporter une nouvelle vision aux assemblées

Pour M. Noreau, il est important que toutes les générations soient représentées à l’Assemblée. « Un jeune de moins de 30 ans peut tout à fait apporter quelque chose à la vie parlementaire et à ses électeurs, explique-t-il. Il faut cependant convenir que la capacité de s’imposer lors des délibérations au sein du Parlement ou du parti est plus faible pour un jeune député que pour un député plus âgé, qui a fait ses armes dans la politique. »

L’âge n’est certes pas garant de toutes les vertus, selon le professeur, et la formation universitaire ne serait d’après lui pas suffisante pour devenir un bon politicien. Il rappelle néanmoins qu’il est souvent difficile de revenir aux études plus tard. « Il est évident qu’une fois élu, il est pratiquement impossible pour un député de conclure des études universitaires suspendues pour cause d’élection, croit M. Noreau. Certains politiciens ont traîné cette carence tout le long de leur vie politique. »

Pour sa part, Catherine compte s’organiser pour mener à terme tous ses projets. « Si je suis élue, je poursuivrai probablement un diplôme de deuxième cycle, mais à temps partiel, avec des cours l’été lorsque la Chambre ne siègera pas, précise-t-elle. Je crois qu’il est possible de concilier les deux puisque je n’ai pas encore de famille. » Candidats et jeunes élus s’accordent pour reconnaître que se lancer en politique représente un travail de longue haleine demandant un engagement à temps plein.

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