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Étudiants contre Harper

« Je compte demander un avis de contrôle judiciaire à propos du retrait du Protocole de Kyoto par le Canada. Est-ce qu’il y en a qui seraient disposés à m’aider? Venez me voir à la pause.» Cet appel, le professeur Daniel Turp l’a lancé à ses étudiants des cours de droit des relations internationales et droit international des droits de la personne au retour des Fêtes. Ils sont main- tenant une douzaine à former l’Équipe Kyoto et à appuyer le professeur dans ses démarches. Quartier Libre présente l’engagement des étudiants dans cette cause hors du commun.

Le professeur Daniel Turp n’en est pas à sa première collaboration avec des étudiants. « J’avais besoin d’une expertise juridique et, dans les classes, il y a de bons juristes, affirme le professeur, appuyé par Me Julius Grey et par l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). Le Protocole de Kyoto est cher au cœur de bien des étudiants et plusieurs d’entre eux sont des militants qui cherchent à être utiles. »

Le vendredi 13 janvier, Daniel Turp a déposé à la Cour fédérale du Canada une demande de contrôle judiciaire pour faire déclarer illégal le retrait par le Canada du Protocole de Kyoto. Selon le professeur, la dénonciation du Protocole par le gouvernement fédéral viole une loi adoptée en 2007.

 

Daniel Turp et Me julius Grey entourés des étudiants Virginie Mauran, stéphanie bacher, sébastien Gingras et d’autres membres de l’Équipe kyoto et de projet Montréal. (Crédit : Pascal Dumont)

 

Des étudiants convaincus

Parmi les membres de l’Équipe Kyoto, on retrouve une ancienne étudiante de Daniel Turp, Stéphanie Bacher, aujourd’hui en troisième année de sciences politiques. « L’Équipe Kyoto permet de dénoncer ce que je considère maintenant non plus seulement comme un geste immoral, mais aussi illégal puisqu’il va à l’encontre de nos principes démocratiques et de l’État de droit. » Son collègue Sébastien Gingras, étudiant de première année en études internationales, s’implique lui aussi par conviction. « Je crois au Protocole. Il n’est peut-être pas parfait ni assez contraignant, mais il rassemble presque tous les pays du monde et je trouve qu’il nous amène dans la bonne direction. »

La première rencontre de l’Équipe Kyoto a eu lieu le 10 janvier. Depuis, tout se bouscule très vite. Sébastien Gingras estime que chacun a consacré une vingtaine d’heures entre la première rencontre et le dépôt de l’avis, trois jours plus tard. Les tâches à accomplir sont variées. Elles vont de la rédaction de l’avis de demande de contrôle judiciaire aux recherches pour étayer les cinq principaux arguments présentés (voir encadré), en passant par les communications et par la rédaction des communiqués destinés aux journaux. « Il s’agit d’une équipe multidisciplinaire dont je suis très fier, qui travaille même le samedi ! », lance le professeur au nœud papillon. Pour certains, il s’agit d’une expérience pratique qui s’inscrit dans leur plan de carrière. Virginie Mauran, qui occupe le poste d’attachée de presse de l’Équipe Kyoto, désire poursuivre son parcours professionnel en communications.

 

Daniel Turp et son noeud papillon. (Crédit : Pascal Dumont)

 

Main-d’œuvre bon marché ?

Une telle poursuite engendre des coûts. «Je ne suis pas inquiet à Turp. Ce n’est pas une question d’argent. Nous avons reçu toutes sortes d’offres de financement depuis le dépôt de l’avis. Les étudiants qui accompagnent Daniel Turp travaillent bénévolement, ils le font volontairement et par conviction. S’ils me demandaient une rémunération, je leur dirais que je fais ça bénévolement, moi aussi ».

Le professeur a déjà demandé à deux reprises leur collaboration à des causes qui l’ont opposé à Jean Chrétien sur les affaires de Guantanamo et de la guerre en Irak. « Cette fois-ci, je suis un peu plus prudent. Les étudiants ne pour- suivent pas Harper à mes côtés ; ils m’aident simplement à constituer le dossier, explique Daniel Turp. Autrement, les risques seraient partagés et ils seraient exposés à des conséquences financières. » En effet, Daniel Turp – aidé de son avocat – est le seul à poursuivre officiellement le gouvernement.

Une première audience est prévue début février. Cependant, la durée de la procédure est incertaine. « Si nous obtenons gain de cause, ça peut durer longtemps, à cause des appels », précise M. Turp. Pour l’instant, le Protocole de Kyoto est toujours un engagement international du Canada puisque le retrait ne sera effectif que le 15 décembre 2012.

« Si les tribunaux nous donnent raison, on va encore faire partie du Protocole de Kyoto. On n’aura pas décidé de se marginaliser dans la communauté internationale », affirme Daniel Turp.

 

 

Cinq arguments juridiques soutiennent?la demande de contrôle judiciaire de l’Équipe Kyoto. En résumé :

1 • La dénonciation du protocole de Kyoto est illégale puisqu’elle ne respecte pas une loi du Parlement du Canada.

2 • Le gouvernement du Canada a l’obligation d’honorer ses engagements internationaux en tout temps après la période de 180 jours qui suit l’entrée en vigueur de la loi. La dénonciation enfreint cette disposition et viole le principe de primauté du droit.

3 • Le gouvernement a agi illégalement en dénonçant le Protocole sans procéder au préalable à l’abrogation ou à la modification de la loi.

4 • Le pouvoir exécutif a enfreint le principe de séparation des pouvoirs en s’ingérant dans les compétences du pouvoir législatif.

5 • La dénonciation du Protocole a été faite en violation de l’obligation constitutionnelle de consulter, en vertu du principe démocratique, le Parlement du Canada.

 

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