Volume 26

Crédit photo : Benjamin Parinaud.

Étudiant cherche appartement

À Montréal, 60 %* de la population étudiante se loge dans une habitation du marché locatif privé. Pour le coordonnateur général de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), Laurent Lévesque, les étudiants sont en première ligne devant les aléas du marché locatif.

« Ils rentrent sur le marché chaque année, […] ne peuvent que signer des baux au prix actuel et méconnaissent souvent les droits des locataires et le marché de l’habitation », explique-t-il.

Pour le professeur à la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM Martin Gallié, la situation actuelle est simplement le fruit de l’offre et de la demande. « Le logement est une marchandise, comme une baguette de pain, et la situation actuelle fait que c’est plus rare, et donc plus cher », résume celui qui est spécialisé en droit du logement.

Mais le prix du loyer étudiant personnel médian, qui était de 500 $ par mois par personne au Québec en 2017, représente, selon lui, un vrai problème pour la population étudiante, dont le revenu moyen annuel se situe entre 10 000 $ et 15 000 $* par année.

Il précise que ce contexte précarise les étudiants. « Ils sont obligés de travailler à côté, développe le professeur. Ils sont endettés, parce que les frais de scolarité coûtent cher. Ils rencontrent des difficultés pour remplir les critères exigés par des propriétaires, qui, logiquement, choisissent leur locataire. »

Crise en approche ?

« Montréal s’en va directement dans une crise », lance sans détour M. Lévesque. Il rappelle que pour la population étudiante, qui se concentre dans les arrondissements centraux de Montréal, cette situation n’est pas nouvelle. « Dans presque tous les arrondissements centraux, le taux d’inoccupation, pour trois chambres à coucher et plus, est sous les 3 % depuis plusieurs années », indique-t-il. Selon lui, la solution se trouve dans la construction de logements étudiants à prix abordable.

Pour M. Gallié, le problème est plus large : il n’est pas possible de dissocier la crise du logement de la crise sociale. « La crise sociale, c’est l’accroissement des inégalités salariales en termes de capital, de foncier et d’héritage, détaille-t-il. Elles sont structurelles et créent des disparités sociales intolérables qui se répercutent sur le prix du pain comme sur celui du loyer. […] Maintenant, est-ce qu’on peut parler de crise alors que c’est systémique ? Je trouve que la question mérite d’être posée. »

Le swap : une pratique qui agace

Devant la pénurie de logements, la pratique du swap, un échange d’appartements entre particuliers, connaît un fort succès et s’affiche en première page de plateformes comme Kijiji. Impossible de passer à côté lorsque l’on recherche une habitation, ce qui agace Margaux Di Canonica, une jeune professionnelle en PVT à Montréal. Elle remarque que les meilleurs appartements sont uniquement proposés en échange. « En fait, les gens se refilent les meilleurs plans entre eux et laissent les autres avec des appartements soit trop chers, soit mal placés », s’exaspère-t-elle.

Pour l’étudiante au baccalauréat en droit à l’UdeM Mounia Absi, le constat est similaire. « Quand je regarde sur Kijiji, il y a beaucoup d’appartements qui correspondent parfaitement à ce que je recherche, mais après, je vois la mention swap, et moi, je ne peux pas faire d’échange », se désole-t-elle.

Un élément de nuance est cependant apporté par le coordonnateur général de l’UTILE. Pour lui, les groupes d’échange semblent représenter une des dernières façons de trouver un logement à prix raisonnable à Montréal. « C’est seulement quand la transmission du bail se fait entre les particuliers qu’ils sont en mesure de limiter les hausses de loyer », soulève-t-il.

Des concessions

Bien que cette situation puisse être angoissante pour certains, Mounia et Margaux restent optimistes quant à leurs chances de dénicher un appartement avant juillet. Pour elles, la solution se trouve dans l’art du compromis. « Je n’ai pas peur de me retrouver sans logement, avance Margaux. Mais je sais que je vais devoir faire des concessions sur l’emplacement, la surface ou le prix. Je ne pourrai pas avoir tout ce que je cherche. »

À Montréal, la dernière crise du logement remonte à 2001. Le 1er juillet, la ville avait été contrainte d’héberger temporairement des familles dans des écoles et au YMCA.

*UTILE, Prospection des habitudes et aspirations résidentielles étudiantes (PHARE), 2017

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