Et toi, es-tu vieux jeu?

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Par Antoine Buée
vendredi 30 janvier 2015
Et toi, es-tu vieux jeu?
Mario, Link, Sonic et Crash étaient vos amis d’enfance ? Les adeptes de jeux vidéo rétro ne sont pas uniquement nostalgiques.
Mario, Link, Sonic et Crash étaient vos amis d’enfance ? Les adeptes de jeux vidéo rétro ne sont pas uniquement nostalgiques.
À l’occasion de la sortie récente de la console de jeu vidéo RetroN5, permettant de jouer à d’anciens jeux vidéo de la Super Nintendo, de la NES et de la Megadrive, entre autres, Quartier Libre s’est intéressé au phénomène du rétrogaming. Cette activité, qui consiste à collectionner des jeux vidéo datant des années 1980 à 1990, fait de nombreux adeptes parmi les étudiants.

« Tout le mouvement du rétrogaming est basé sur le fait que, jadis, on avait des jeux qui étaient complètement différents de ceux d’aujourd’hui, explique le professeur en design de jeu et spécialiste du jeu vidéo à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), Danny Godin. Les plus vieilles compagnies de développement peuvent ressortir leurs jeux pour un coût très peu élevé et créer ainsi une espèce d’engouement afin de rappeler que ce qui se faisait en 1990 est encore agréable aujourd’hui. »

Ce nouvel élan du rétro peut être le résultat d’un marché actuel trop focalisé sur les objectifs de ventes des grandes sociétés de production. « Dans une industrie qui propose de plus en plus de jeux vidéo axés sur une expérience visuelle cinématographique, et qui semble être hésitante à sortir de ses modèles les plus vendeurs, certains joueurs sont peut-être tentés de retourner vers leur classique préféré et vers des jeux moins sérieux », soutient l’étu­diant à la mineure en études du jeu vidéo, Adam Lefloïc.

Pour M. Godin, les différences en matière d’expérience et de jouabilité entre les jeux mo­dernes et les jeux rétro expliquent notamment le regain d’intérêt pour ces derniers. « La perception 3D dans les jeux triple A [NDLR, les superproductions à gros budget et à gros revenus] n’amène pas le même genre d’expé­rience que ce qu’on peut trouver dans le temps de la 2D, souligne Danny Godin. Auparavant, il fallait toujours aller à droite, ne pas tomber dans le trou ou sauter par-dessus le monstre. La difficulté était souvent plus élevée et les jeux donnaient beaucoup moins de chances. »

Facile à apprendre, difficile à maîtriser

C’est cette difficulté et cette complexité des anciens jeux vidéo qui semblent plaire aux plus grands amateurs de rétrogaming. « Le charme d’un jeu rétro se tient dans ce slogan : facile à apprendre, difficile à maîtriser, croit l’étudiant au baccalauréat en études cinématographiques et en études de jeux vidéo à l’UdeM, Max D. Valter. N’importe qui peut comprendre comment jouer à Super Mario Bros aussitôt qu’il ou elle prend la manette pour la première fois. Cependant, la jouabilité est suffisamment nuancée pour que ça prenne des années avant de complètement maîtriser le jeu. »

Selon Max D. Valter, les jeux modernes n’apportent pas cette même sensation. « Dans les jeux plus contemporains, on retrouve beaucoup l’inverse, confie-t-il. On passe habituellement une heure à se faire dire comment jouer, puis il n’y a plus rien de signifiant à apprendre. »

Nostalgie de l’époque

Pour ceux qui ont commencé à jouer aux jeux vidéo dans les années 1990, l’intérêt actuel pour les jeux rétro est corrélé à une certaine nostalgie des débuts. « La nostalgie est assurément un des plus gros facteurs pour moi, explique Adam, véritable adepte du jeu Mega Man 2 sur Nintendo NES. C’est un symbole de mon enfance et j’aime bien y revenir de temps en temps. En plus d’être intéressé par le jeu, je me suis développé une passion pour l’histoire des jeux vidéo et les vois maintenant comme des pièces de collection qu’il faut conserver. »

Un sentiment partagé par d’autres joueurs ayant connu les anciennes consoles de jeu. « C’est toujours plaisant de revivre les tendres moments de son enfance, c’est comme retrouver un vieil ami, ajoute Max. Par contre, je crois que c’est surtout parce qu’il y a des genres de jeu qui ont été grandement délaissés. Le jeu de plateforme 2D et les JRPG [NDLR, jeux de rôle japonais] comme Final Fantasy VI sont très rares de nos jours. »

Avec ce regain d’intérêt pour les vieux jeux, certains développeurs indépendants se sont mis à exploiter le marché du rétro. « Il y a des jeux, comme chez Ubisoft, qui ont été ressortis du fond des caisses, Rayman par exemple, explique le professeur Danny Godin. Le prix de ces jeux est habituellement beaucoup plus bas que celui des jeux modernes, en plus de tout le contenu téléchargeable qu’on est obligé d’avoir aujourd’hui. »

Ces développeurs indépendants s’adaptent ainsi à la nouvelle réalité du marché actuel du jeu vidéo. « Il y a un marché niche pour les jeux style rétro à exploiter, souligne Max D. Valter. Super Meat Boy, Shovel Knight, The Binding of Isaac sont quelques exemples de jeux qui connaissent beaucoup de succès, car ils ont réussi à capturer les meilleurs aspects des jeux de notre enfance tout en offrant une nouvelle expérience. »

Malgré les nouveautés aux budgets énormes qui sortent chaque année, les jeux vidéo rétro ont su garder une place de choix dans le cœur des joueurs et parviennent même à conquérir de nouveaux adeptes.

Tableau16