Et mon cul-turel, c’est du poulet ?

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Par Grégory Haelterman
mercredi 12 janvier 2011
Et mon cul-turel, c'est du poulet ?

Entre gueules de bois et voeux divers, le début d’année est aussi l’occasion idéale pour les nouveaux départs et les remises en question. Ne nous soustrayons pas à cette tradition masochiste. Bien à propos (après 4 mois) de se demander ce que fait une chronique sur les jeux vidéo dans la section culture du magazine : Les jeux, c’est de la culture ?

Promis, pas de badinage à grands coups de définitions. Si je vous dis le mot «culture», vous aurez probablement à l’esprit quelque chose de l’ordre de la philosophie, de la musique, de la littérature. Ok, je concède qu’un gars capable de palabrer sur Kant pendant trois heures peut paraître cultivé. Mais s’il n’a jamais entendu parler de Super Mario, ne trouvez-vous pas qu’il y a un hic ? Délaissons toutefois l’injuste argument de la culture populaire. Kant n’a pas l’avantage du champignon magique.

Jetons plutôt un oeil du côté des institutions culturelles. Ainsi, le ministère de la Culture en France (2007) et les gouvernements belge (2008) et québécois (1996 déjà) ont mis en place d’importants crédits d’impôt pour favoriser le développement des jeux. Si l’envie d’invoquer l’argument économique vous prenait, que dire de Michel Ancel et de Frédérick Raynal, ces créateurs de jeux qui ont été nommés Chevaliers des Arts et des Lettres en France (2006) ? J’imagine que ce titre de chevalier revêt l’importance bien plus de leur oeuvre que de leurs dragons ou de leurs revenus annuels. Et les exemples à l’étranger ne manquent pas. En effet, un musée dédié officiellement aux jeux se trouve au sommet de l’arche de la Défense à Paris. Plus proche de chez nous, des soirées jeux vidéo sont proposées dans les locaux de la maison de la Culture de Montréal- Nord deux fois par semaine. La culture qui favorise le jeu?

Dans la pratique, on ne compte plus les jeux qui se basent sur des références culturelles pour faire voyager les joueurs : Dante’s Inferno (2010) nous fait voyager (et souffrir) à travers le poème de l’auteur éponyme. La série des jeux God of War (2005 – 2010) maltraite la quasi-totalité de l’Olympe et de ses mythes. Sur un autre aspect, un seul jeu nécessite la collaboration de dizaines d’artistes différents pour être créé : scénaristes, réalisateurs, graphistes, compositeurs, acteurs. Tout ce qui se développe autour d’un jeu constitue également de la matière culturelle : romans, films, séries, bandes dessinées. Les jeux Assassin’s Creed (2007 – 2010) ont ainsi généré des bandes dessinées, des romans et même une mini-série. Dead Space (2008), s’inscrit carrément dans une trame narrative multiformat : le jeu, la bande dessinée et le film d’animation du même titre forment un triptyque scénaristique complet. On le voit, les jeux vidéo sont par définition tant culturophages* que culturogènes*.

J’arrive maintenant au plus délicat. De la culture ? Oui, mais laquelle ? Culture populaire, culture de masse, sous-culture? La Culture avec un grand C, à mes yeux, n’est pas unique. Il y a bien d’autres cultures, de toutes sortes et de tous niveaux; bien élitiste celui qui dénigre l’accès à ce titre et les cultures qu’il ne côtoie pas. Si, malgré tout, vous pensez que les jeux n’en sont pas, libre à vous, ce qui ne m’empêchera pas d’utopiser* sur Kant et Mario prenant le thé ensemble dans vos références (sans champignon cette fois).

(* 2011 sera l’année du néologisme. Ou pas. Bonne année !)