Volume 28

Le retour en présentiel donne à la communauté étudiante l’occasion de tisser de nouveaux liens. Crédit : Paul Fontaine.

Essentiel

Partager un banh mi sur la promenade Jean-Brillant et se plaindre de sa charge de travail (trois travaux à rendre en 15 jours, on ne niaise pas !) ; choisir un beau chandail le matin pour se rendre à son cours en salle D-451 du pavillon Marie-Victorin ; se perdre dans le labyrinthe de ce même pavillon et finir par demander son chemin à un employé de l’Université… emprunter un ascenseur très glauque mais néanmoins efficace ; arriver essoufflé en cours ; choisir la seule et unique place restante située face au professeur, boudée par tous ; se faire interroger par ce même professeur durant un unique instant (unique !) d’égarement sur son cellulaire, à regarder les stories Instagram de son meilleur ami parti dans l’Ouest et à rêver de grands espaces ; rechercher de l’information sur StudiUM, ne pas la trouver, réaliser qu’elle se trouve sur son Centre étudiant… Ah non ! Plutôt sur Mon Portail… Être un peu tanné, puis rire pour un truc vraiment insignifiant avec son voisin de cours.

Pas de doute, le retour en présentiel a bien eu lieu à l’UdeM, du moins pour une bonne partie des étudiants et étudiantes. Le linge mou relégué au fond du placard peut en témoigner. Le pot à café qui n’a pas trop baissé de niveau dans sa cuisine désormais délaissée, elle aussi. Non pas que notre addiction à la caféine se soit éteinte. Local Local peut en effet déjà nous remercier pour ces vingtaines de 2,24 $ de breuvages « réguliers » reçus de notre part. Dire qu’il n’est même pas possible de les boire en classe !

Jeux de regards

Finalement, les cours en présentiel, c’est comme le vélo : on s’y remet vite, même quand ça fait longtemps ! Mais en arrivant sur le campus, face à ces visages sans nez, sans bouche, ces chantiers peu accueillants, ces panneaux de consignes en veux-tu en voilà et ces bonbonnes de gel hydroalcoolique prêtes à nous assécher les mains de jour en jour, attention de ne pas dérailler. Car si nous en avons (un peu !) fini avec les sinistres réunions Zoom impersonnelles – lesquelles ont tout de même eu le mérite d’assurer la continuité des cours – nous devons désormais composer à temps plein avec notre accessoire imposé en polypropylène.

À tous les célibataires endurcis par la pandémie et, pour certains, en quête de l’amour, il faudra se cantonner au classique : « T’as de beaux yeux, tu sais ! » à la Jean Gabin. Pendant les cours, les regards fusent, et les sourcils se font interrogateurs : a-t-il une barbe taillée de près ? A-t-elle le beau sourire que j’imagine ? Et surtout : saurai-je l’approcher, lui parler en vrai, sans me cacher derrière le « confort » d’une application de rencontres depuis mon divan ?

Nouvel algorithme

C’est bien tout l’enjeu de cette rentrée masquée : se retrouver, se réapprivoiser, tisser de nouveaux liens sociaux, confronter son opinion à celle d’autres personnes que son habituel groupe d’amis, loin du consensus, pour changer « d’algorithme ». Bref, faire un pied de nez au virtuel, lui dire que la vraie vie, loin de son sofa, est plus forte, plus créative, qu’elle ne dépend d’aucun réseau WiFi, sortir de l’écran une bonne fois pour toutes. Reprendre les fondations de sa vie « d’avant » pour « rebâtir le réel ». Et tant qu’à faire, en mieux !

Selon Noé Klein, doctorant en sociologie avec qui Quartier Libre s’est entretenu pour son premier numéro de la session d’automne 2021, « il est possible que les personnes ayant trop souffert de l’isolement souhaitent rencontrer de nouvelles personnes plus rapidement, et dépassent une éventuelle réticence qui aurait pu exister avant ». Amitié, amour : même combat ?Quittons-nous l’ère des couvre-feux et des écrans partagés avec un nouvel élan, une envie plus forte de se tourner vers l’autre ? Force est de constater que la pandémie a eu un certain impact sur la santé mentale des étudiants et étudiantes et que, malheureusement, le retour en présentiel aurait plutôt tendance à renforcer l’anxiété de certains d’entre eux et elles.

Pas d’illusion

Nous ne vivons assurément pas dans un monde parfait. À l’UdeM, l’organisation du retour sur le campus fait parfois débat, au sein de la communauté étudiante, certes, mais aussi dans le corps professoral, à en juger par les propos du Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal (SGPUM), lequel condamne « l’intransigeance » de l’Université sur plusieurs points. L’inquiétude règne aussi chez certains étudiants et étudiantes, qui redoutent l’hiver, durant lequel il faudra se trouver une place au chaud pour dîner, alors que nombre de tables et de chaises ont été condamnées dans certaines aires de restauration, tandis (et surtout !) que l’évolution de la pandémie demeure incertaine…

Malgré un contexte tendu, où l’adaptation constante est de mise, impossible de masquer le sourire dans les yeux de certains et certaines universitaires : il y a de la joie de vivre à l’UdeM, en cette session absolument inédite.

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