Es-tu touriste ?

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Par Pascaline David
mercredi 9 mars 2011
Es-tu touriste ?

Si tu ne l’es pas, ta vie est triste.

Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), «Le tourisme est un déplacement hors de son lieu de résidence habituel pour plus de 24 heures, mais moins de quatre mois, dans un but de loisirs, un but professionnel (tourisme d’affaires) ou un but sanitaire (tourisme de santé) ». Cette citation contient beaucoup d’informations.

Ton one-night stand de samedi dernier t’a amusé, facilité le métier ou ressourcé ? Voilà déjà une expérience touristique qui compte dans le curriculum vitae, à condition d’avoir découché.

Le tourisme, c’est exaltant, et il faut en profiter.

Socialement, beaucoup l’exploitent pour se faire remarquer,surtout depuis l’avènement des Internets qui offrent la possibilité de s’étaler la vie privée.

À l’ère de la mondialisation et du néo-narcissisme généré par la plateforme Facebook, force est de constater que l’individu tend à se définir en fonction des endroits qu’il visite, de la manière dont il le fait, et de la façon dont il présente tout cela. Le touriste «sanitaire» type expose des albums photos saturés de piña coladas, de spas, de sable blanc et d’orteils au soleil. Le touriste «professionnel » fait savoir qu’il est toujours partout via des statuts éloquents, généralement en anglais (on est professionnel ou on ne l’est pas). Un exemple de statut de photographe : “Vacation week : MusiquePlus Sutton, enjoymadewithlove. com in Toronto, Daytona Bike Week, MusiquePlus Chanteclerc (Crash & burn on the ski slopes) then sleep a little :)”.

Tant d’exubérance dans le tourisme, et si peu d’underground.

De 1994 à 2007, le nombre de croisiéristes en Antarctique a connu une hausse de 344 %. De 1999 à 2007, le tourisme polaire sportif et extrême a connu une croissance de 917 % [NDLR: Le tourisme polaire est né]. Un safari en motoneige ou en traîneau tiré par des rennes ? Voilà qui représente bien le tourisme de loisirs, dont profitent sans doute les baby-boomers, qui ne nous partagent pas encore tout cela sur le réseau 2.0, tous occupés qu’ils sont à numériser quelques photos souvenirs des années 1970. Ça viendra.

En 2011, même le touriste d’aventure, non évoqué par l’OMT, travaille à la reconnaissance de ses exploits. Même s’il se tient dans l’ombre du monde virtuel, assailli qu’il est par quelque révolte de tribu monarchique, le touriste intrépide vend son habit de camouflage. Sa photo de profil Facebook est éloquente, voire transcendante : la barbe en broussaille, le regard sans limites, il nage avec les requins au coeur d’un océan qu’on ne connaît même pas. Dans une société individualiste et compétitive où l’objectif est de faire plus et mieux que tout quidam environnant, comment, mais comment se démerde celui qui n’a jamais voyagé ? Celui qui n’a pas foulé la glace d’une banquise ? Qui ne s’est jamais retrouvé dans quelque champ d ’ a n a n a s l a n u i t , e n c omp a g n i e d e Guatémaltèques tatoués et armés de machettes ? Qu’a-t-il donc à raconter ?

Comment, mais comment se démarquer ?

Le conseil actuel semble être de revenir aux sources philosophiques du tourisme et de réenchanter la banalité. Ce que l’on oublie dans toute cette soif d’exotisme, c’est que le tourisme répond d’abord à une attitude et à une façon de percevoir l’inconnu. Le tourisme, somme toute, est l’art de s’affranchir de ses habitudes (pour un minimum de 24 heures, s’il faut le rappeler).

Il existe un tourisme alternatif, qui se comprend davantage comme un voyage introspectif, un renouvellement perceptif. Nul besoin de s’appauvrir ni de sortir de la ville. Unique composante à mettre dans son bagage: l’ouverture d’esprit. À lire en page 16.

Ceci me rappelle une anecdote dans laquelle je suis impliquée, mais qu’il me plaît de raconter à la troisième personne. La voici : quatre amis profondément urbains et dépendants des activités de la métropole veulent voyager à prix réduit le temps d’un vendredi soir. Ils déploient une carte de Montréal et de ses environs et la souillent d’une goutte d’encre qui doit indiquer une destination à visiter. L’encre noircit Mascouche. Justement, l’un des lascars a entendu parler d’une soirée de démonstration de produits Tupperware dans une résidence de cette même ville. Chemin faisant vers Mascouche dans une Hyundai Accent, les quatre téméraires perdent tout sens de l’orientation entre deux autoroutes. «Est-on à Laval? Il y a des abris tempos », commente l’un d’eux, rapidement appuyé par le reste du groupe. De vrais touristes, nos quatre amis. Les voilà qui roulent sur le boulevard Maurice-Duplessis. En fait, ils sont à Montréal-Nord, leur apprend la sympathique hôtesse d’un restaurant livrant du spaghetti chaud à domicile, tout en leur offrant quelques friandises. Chemin refaisant, les aventuriers se perdent à nouveau et se retrouvent à Sainte-Thérèse, loin de leurs domiciles respectifs, à s’exercer le lancer dans une salle de bowling. Une fille de l’allée d’à côté tombe étrangement dans l’oeil de l’un d’eux. L’ami choisit de vivre sa passion et de partager sa nuit avec la jolie. Les autres retournent à Montréal, flasque en main, ébranlés par tant d’action sur la Rive-Nord de l’île. Celui qui a vécu l’amour ne donne de nouvelles que deux jours plus tard, via son téléphone intelligent. «Pleut-il ? écrit-il sur son statut. Je pense que je suis sur le Plateau, mais je n’ai aucune idée où je suis, et je n’ai pas envie de chercher le métro sous la pluie.»

Selon les termes, voilà une expérience touristique alternative s’apparentant à celles relatées par les étudiants qui reviennent d’un séjour d’un mois ou deux à l’étranger.

Tout cela nous mène au scoop de la semaine. Dès l’automne prochain, la U-Pass bouleversera le rapport des Udémiens montréalais au transport en commun. À lire en page 7.