Volume 19

Es-tu en paix ?

Ce journal est publié lors de la Journée internationale de la paix, et c’est un hasard.

La journée mondiale de la maladie d’Alzheimer a également lieu aujourd’hui, et ça semble être un concours de circonstances aussi.

L’automne*, sans pudeur, nous tombe sur le corps au même moment, et ce n’est pas fortuit.  Ça fait trois semaines qu’on le voit venir, et on s’endeuille déjà de l’évanouissement d’un climat plus clément.

Il n’existe pas de Journée internationale du deuil en général, et je crois comprendre pourquoi. Selon différentes versions, le processus de deuil implique entre cinq et sept étapes de phases émotives : un cheminement qui ne se réalise pas en un jour.

Josélito Michaud, l’homme qui a mis le deuil au premier plan** en littérature(Passages obligés) et à la télévision (On prend toujours un train), et que je me surprends de citer ici, définit le deuil comme un hommage à la vie, un moment de sérénité qui permet de se retrouver. Ça saute aux yeux, faire un deuil, c’est aussi faire la paix. Mais alors, faire la paix, est-ce aussi faire un deuil ?

Il n’existe pas de Journée internationale du deuil, mais il existe la Journée internationale de la paix. Pourtant, la paix non plus ne se crée pas en un jour. Il existe aussi une Journée Mondiale des zones humides (2 février), pourtant certaines zones ne s’assèchent jamais complètement, sauf peut-être après 70 ans.

La Journée internationale de la paix a été pensée par l’ONU en 1981. Dans sa résolution la concernant, il est dit que «dorénavant, la Journée internationale de la paix sera observée comme une journée mondiale de cessez-le-feu et de non-violence, pendant la durée de laquelle toutes les nations et tous les peuples seront invités à cesser les hostilités».  Cette initiative est presque pragmatique, et cette résolution apporte certains éclaircissements. Il est certes plus réaliste d’espérer une seule journée de paix que de préconiser un état de paix perpétuel. La Journée internationale de la paix nous place pourtant en position de deuil en nous menant toujours au constat qu’on ne connaîtra jamais, de notre vivant, un environnement mondial pacifique. Pourquoi ? Parce que « l’homme est en effet le seul mammifère suffisamment évolué pour penser enfoncer des tisonniers dans l’oeil d’un lieutenant de vaisseau dans le seul but de lui faire avouer l’âge du capitaine. » C’est Pierre Desproges, un humoriste français, qui a dit ça, dans un autre contexte.

Dans plusieurs pays, les gens évoluent dans un environnement plus qu’hostile: un climat de sang sur les murs et de massacres à ciel ouvert.

Au Canada, actuellement, très peu de conflits armés sont rapportés, et ce sont des cas isolés.

Il y a beaucoup de gens qui clament que la paix ne sera sur terre que lorsque tous les êtres seront intérieurement en paix. Personnellement, sauf une tante qu’on taxe d’illuminée, je ne connais pas beaucoup de gens qui soient rendus là.

La paix, ce n’est pas que l’absence de guerre, on le sait.

La difficulté concernant la paix n’est pas pratique, elle est artistique. Le problème, c’est qu’on ne s’enseigne ni art de vivre ni art du «vivre-ensemble». Il semble manquer d’intervenants pour nous expliquer comment perpétuer la beauté du monde et de la vie, la mission des espèces évoluées. Où sont-ils, les directeurs artistiques de société ?

On sait tout faire, sauf vivre ensemble. On est racistes, sexistes, homophobes et intolérants.

Il y en a qui disent que pour vivre en harmonie avec soi-même, il faut arrêter de juger les autres et les accepter comme ils sont. Cela paraît convenu, mais on répète cela depuis la nuit des temps (Jésus-Christ, Nelson Mandela,  Ginette Reno et ma mère sont de ceux qui ont philosophé cette formule à leur sauce), et à force d’évoluer sur plein de plans, on se demande comment l’être humain peut ne pas en être rendu là.

Au fait, depuis que la famille a perdu son autorité en tant que première cellule sociale fondamentale, on ne vit même plus ensemble. Fait saillant : on ne s’entend pas davantage. On s’engueule par message texte et on trace notre chemin ailleurs.

Sur une page Internet de l’Unesco qui s’ouvre sur ces propos : «et si le nouveau millénaire était un nouveau départ, l’occasion de transformer – ensemble – la culture de la guerre et de la violence en une culture de la paix et de la non-violence?», je clique sur l’onglet «Participez en tant qu’individu». Une fenêtre s’ouvre sur ceci : The page cannot be found. Rien d’étonnant.

Je connais quelques personnes qui ont un rapport conflictuel au monde et des difficultés à gérer leurs relations interpersonnelles. Toujours au tournant, l’évolution leur offre une solution rapide, avec quelques spécialistes qui les gavent de produits synthétiques pour atténuer tout cela.

On se rend compte que l’évolution nous sert surtout matériellement. On s’aperçoit qu’on manque de Dalaï-lama.

Il y a quelque chose que l’on n’a pas compris.

…Où sont-ils, les directeurs artistiques de société ?

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* Prévisions de Météo Média pour l’automne : «Une trajectoire de météo active, jumelée au déplacement des vestiges de systèmes tropicaux devraient entraîner des quantitésde précipitations plus abondantes qu’à la normale dans la région.»

**Josélito Michaud a fait de multiples entrevues avec des individus ayant vécu un deuil.

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