Culture

Entrevue-fleur avec Yann Perreau

(À MON AVIS, QUI EST TRÈS HUMBLE), YANN PERREAU, C’EST LE MEILLEUR.

Portrait succinct de l’artiste ( justification de l’avis, humble)

Cinq disques, dont un maxi (Au soleil) en vente libre sur Internet dans l’objectif d’amasser des fonds pour trois organismes à but non-lucratif (Jeunes musiciens du monde, Fondation Rivières et Dîners St-Louis). Des vidéo clips artistiquement remarquables. Une collaboration bi-mensuelle sur Cyberpresse depuis l’été 2009. Des performances musicales, théâtrales et poétiques sur toutes les scènes montréalaises. La réalisation du premier album du très prometteur Alex Nevsky. Cette année, cinq nominations au gala de l’ADISQ pour divers aspects concernant son dernier album, Un serpent sous les fleurs.

Je rencontre l’homme aux mille talents au Gainzbar, rue St-Hubert. Dehors, l’arrivée de l’automne a déjà fait naître des citrouilles sur les trottoirs. La tête de l’artiste est ornée d’une casquette verte au cheval doré. L’élan m’assaille de questionner Yann Perreau sur l’étalon effréné mais j’ai déjà opté pour une thématique botanique.

Quartier Libre : Connaissez-vous l’expression « au ras des pâquerettes » 1?

Yann Perreau : Non, mais je connais «manger des pissenlits par la racine» 2.

Q.L. : Préférez-vous les fleurs naturelles ou artificielles ?

Y.P. : Naturelles.

– Vous préférez donc l’éphémère au durable ! ?

– Non, je préfère le durable. Les fleurs vivaces sont toujours là, année après année.

Q.L. : Quelle est votre fleur préférée ?

Y.P. : La marguerite, à l’état sauvage. Pour moi, c’est un emblème. J’aime la plupart des fleurs sauvages.

Q.L. : Une femme vous offre des fleurs. Quels mots vous viennent à l’esprit ?

Y.P. : Merci, délicate, attentionnée, surprenante… Je me questionne : qu’est-ce que tu attends de moi ? Le move d’une femme envers un homme est rare. Le geste est très beau.

Q.L. : Un homme vous offre un bouquet. Quels mots vous viennent à l’esprit ?

Y.P. : (rires) Je me questionne. Des fans hommes m’envoient parfois des mots ou des fleurs, je respecte le geste, je dis merci et je les donne à ma blonde, ça lui fait plaisir.

Q.L. : Quelle est votre chanson fleur bleue favorite ?

Y.P.: (long moment de réflexion) Sang d’encre de Jean Leloup, mais ce n’est pas fleur bleue. (long moment de réflexion) Peut-être Tel un seul homme de Pierre Lapointe.

– Vous êtes donc mordu de musique québécoise ?

– C’est sûr que pour qu’une chanson fasse pleurer il faut la comprendre et parfois je ne comprends pas tout de l’anglais… Mais il y a des chansons de Fleet Foxes qui me font pleurer.

Q.L. : Quel est le film à l’eau de rose qui vous a le plus marqué ?

Y.P. : Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. C’est un grand film pour moi. Il n’est peut-être pas à l’eau de rose, mais comparé à Fight Club, par exemple, il l’est. Il m’a fait pleurer, peut-être à cause de la musique de Yann Tiersen, qui est super mélancolique, peut-être aussi parce que je revenais de France quand je l’ai visionné pour la première fois.

Q.L. : Vous affirmez, dans la chanson Le président danse autrement, que les ascenseurs, les épiceries et les cliniques sont troublants à cause de la musique qui s’y joue. Croyez-vous que ces lieux seraient moins inquiétants si on y plantait quelques fleurs ?

Y.P. : Peut-être. Ce que je trouve troublant c’est que ces lieux soient aseptisés. J’aime sentir qu’il y a quelque chose de spontané, de dépeigné.

Q.L. : Préférez-vous les fleurs ou les herbes ?

Y.P. : Je préfère les herbes sauvages : les quenouilles, les joncs, les nénuphars. L’idéal, ce sont les herbes qui fleurissent.

Q.L. : Avez-vous une opinion sur les mauvaises herbes ?

Y.P. : Je n’ai pas eu de mauvaise expérience avec elles mais quand il y en a dans mon jardin je les enlève.

Q.L. : Préférez-vous la tisane ou la bière ?

Y.P. : La bière. […] Par contre, j’aime bien me faire une tisane au pot. Les dimanches d’automne c’est parfait, on va au marché Jean- Talon, au Piknic Électronik, dans le bois, aux chutes ou sur le bord de la rivière. Ce n’est pas trop fort, ni endormant. L’idéal est de faire infuser une bonne dose de feuilles avec un peu de cocotte pour ajouter un peu de piquant. Je fais aussi des muffins parfois. La tisane, c’est plus croisière, plus chill ; un muffin, ça peut être intense. J’en avais cuisiné pour mes invités lors d’un lancement à l’Ex-Centris. J’avais averti tout le monde de les consommer avec modération. Il y en avait qui ne me croyaient pas. Un invité a mangé deux ou trois muffins d’une traite: il n’a pas dormi de la nuit. Depuis, il me croit (rires).

– Et la bière ?

– J’aime la blonde. J’aime les micro-brasseries et je respecte le travail accompli dans ces lieux. Mais je suis plus du type bière canadienne traditionnelle : une bonne Bleue, une bonne Labatt 50.

–Tablette ?

Frette: très froide. Si je voulais faire mon viril je dirais une grosse 50 tablette mais pour être honnête : une bonne bière frette.

Q.L. : Que pensez-vous de la citation polonaise suivante : «L’âme humaine est comme l’abeille qui puise son miel même de l’amertume des fleurs 3» ?

Y.P. : Au delà de mon goût pour la vodka, je ne sais pas grand chose de la Pologne (rires). Mais ici, je me pose des questions par rapport à l’amertume. À mon avis, l’âme humaine peut aussi puiser dans la beauté, le parfum, le nectar des fleurs.

– Cette citation est tirée du Dictionnaire des citations du monde (Le Robert), qui contient aussi au moins une citation des Spice Girls. Vous êtes un grand poète. Comment se fait-il que vous ne soyez pas cité dans ce dictionnaire ?

– Je ne suis pas assez connu. Money talks. L’histoire est écrite par ceux qui ont le pouvoir. Je suis un chanteur québécois francophone, je vends entre quinze et vingt mille copies par album, alors avant que je ne sois cité… Je ne doute pas de mes capacités mais je suis réaliste.

Q.L. : Que recommandez-vous aux gens à fleur de peau ?

Y.P. : Bois une bonne tisane.

Yann Perreau remettra les profits générés par la vente de son maxi Au soleil lors du spectacle bénéfice de Jeunes musiciens du monde, le 19 novembre 2010 au Club Soda. Yann Perreau performera au Métropolis le 27 novembre 2010.

1. Intellectuellement peu élevé, grossier.

2. Mort et enterré.

3. Henryk Sienkiewcicz.

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