Entretien avec Audréanne Loiselle, lauréate du concours Ma thèse en 180 secondes

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Par Paul Fontaine
mercredi 25 mai 2022
Entretien avec Audréanne Loiselle, lauréate du concours Ma thèse en 180 secondes
Audréanne Loiselle. Photo : Courtoisie des Lucioles, par Yannick Mallette-Pognon.
Audréanne Loiselle. Photo : Courtoisie des Lucioles, par Yannick Mallette-Pognon.

Le 11 mai dernier, la doctorante en biologie à l’UdeM Audréanne Loiselle a remporté les premiers prix du jury et du public lors de la finale nationale du concours de vulgarisation scientifique Ma thèse en 180 secondes, qui s’est déroulée à l’Université Laval. Elle représentera donc le Canada à la finale internationale, qui aura lieu à Montréal le 6 octobre prochain. Entrevue avec la lauréate à propos de son projet doctoral sur les milieux humides et la biodiversité qu’ils abritent.

Quartier Libre (QL.) : Ton projet de recherche porte sur les milieux humides, comme les tourbières et les marécages. Plus précisément, tu t’intéresses aux services et aux fonctions écologiques qu’ils offrent. De quoi s’agit-il ?

Audréanne Loiselle (A. L.) : Les services écologiques sont tous les bienfaits que retire l’humanité des écosystèmes. Cela comprend les activités récréatives, l’esthétisme, la qualité de l’eau que nous buvons ou la protection contre les inondations. Lorsque nous parlons de service, il y a nécessairement un bénéficiaire et donc une demande.

Pour les écosystèmes plus éloignés où il n’y a pas de bénéficiaire clair, alors nous parlons de fonctions écologiques. Les fonctions, elles, sont sous-jacentes aux services. Il est, par exemple, question de soutien aux pollinisateurs, qui soutiendront à leur tour l’agriculture, soit un service. La biodiversité est aussi considérée comme une fonction, même s’il y a un petit débat dans le monde scientifique pour savoir si c’est un service ou non. De là l’idée du terme plus général « fonction ».

QL. : Lorsque tu dis étudier les fonctions écologiques des milieux humides, à quoi cela revient-il ?

A. L. : Je quantifie les fonctions écologiques. Par exemple, je quantifie les stocks de carbone, que ce soit dans le sol, dans les arbres ou dans les arbustes. À partir de cartographies et de données de terrain, je peux calculer la masse de carbone stockée par un milieu humide.

Mon projet de doctorat fait partie d’un plus large projet de recherche, qui réunit quatre étudiants diplômés et trois professeurs de différentes universités québécoises. Nous sommes partenaires de Conservation de la nature Canada, de l’institut Kenauk Nature et d’Ouranos. Moi, je travaille à la réserve naturelle de Kenauk Nature, située au nord de Montebello, plus précisément dans les milieux humides des rives du lac Papineau. Je prélève des échantillons dans 37 milieux humides sur la cinquantaine qui se trouvent aux abords du lac. Cela me permet, entre autres, d’évaluer si ces milieux humides stockent efficacement le carbone.

QL. : Pourquoi désires-tu quantifier les fonctions écologiques des milieux humides ?

A. L. : C’est un premier pas vers la compréhension des différences entre les types de milieux humides. La loi en vigueur depuis 2017 [NDLR : La Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques] est fondée sur un objectif de zéro perte nette. Cela signifie que si une personne détruit un milieu humide qui remplissait des fonctions X, alors elle doit s’engager à restaurer ou créer un milieu humide dans la même région qui accomplit les mêmes fonctions.

La grosse problématique est que nous avons de la misère à quantifier à quel point chaque type de milieux humides remplit ces fonctions-là. Nous savons qu’une tourbière est meilleure pour le stockage du carbone et qu’un marais est meilleur pour la qualité de l’eau, mais nous ignorons à quel point chaque type est meilleur qu’un autre. Mon projet de recherche tente de répondre à cette question.

Q. L. : Ton projet de recherche porte également sur la biodiversité des différents milieux humides. Quel rôle jouent-ils quant à la préservation de la biodiversité et quel est le lien avec les fonctions écologiques ?

A. L. : Actuellement, dans les études sur les services écologiques, une seule mesure de biodiversité est utilisée. Les scientifiques considèrent que plus la diversité d’habitats ou de plantes est riche, alors plus la biodiversité est grande.

Nous, nous avons plutôt étudié plusieurs plantes, oiseaux, poissons et insectes chanteurs [NDLR : Comme les cigales, les sauterelles, les criquets et les grillons]. Ce qui est super intéressant, c’est que nous remarquons que chaque type de milieux humides supporte différents aspects de la biodiversité. Cela nous permet de comprendre que pour avoir une conservation optimale de biodiversité, il faut bâtir un réseau de sites complémentaires qui comprend différents types de milieux humides selon leurs fonctions écologiques.

QL. : Parlons du concours Ma thèse en 180 secondes. Comment se prépare-t-on à une finale internationale ?

A. L. : Peux-tu m’aider ? Je ne le sais pas, haha ! La finale nationale, c’est une chose, mais la finale internationale… En fait, je n’ai pas vraiment de plan de match. Je vais surtout continuer de m’entraîner, seule et devant des gens. Je me dis que le fait que la finale internationale soit à Montréal devrait rendre les choses moins compliquées, parce que juste avant la finale nationale, qui avait lieu à l’Université Laval, j’organisais un stage de recherche terrain avec mon professeur. Le problème, c’est que je me suis rendue en autobus scolaire à la Station de biologie des Laurentides, qui est la station de recherche de biologie de l’UdeM, alors il a fallu que je m’arrange pour que quelqu’un aille me porter à Sainte-Adèle et que je loue une voiture pour aller à Québec, tout ça pour participer au concours. Pour la finale internationale à Montréal, je ne devrais pas avoir autant de misère?!

QL. : Comment as-tu procédé pour écrire ton sketch de vulgarisation ?

A. L. : Je fonctionne beaucoup par brainstorming, par tempête d’idées. Je sors les mots-clés qui ont un rapport avec ce dont j’ai envie de parler. Puis je cherche des métaphores et des analogies pour relier les concepts. Par exemple, l’analogie qui est souvent utilisée pour parler des milieux humides est de les comparer aux « reins de la planète », parce qu’ils filtrent l’eau. À la fin, j’essaye de faire des associations d’idées pour que toutes les comparaisons se suivent bien.

 

Visionner la performance d’Audréanne Loiselle à la finale nationale du concours Ma thèse en 180 secondes (à partir de la 26e minute).

Écouter Audréanne Loiselle discuter de son projet de recherche dans le balado Les Lucioles.