Entre savoir et beuverie

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Par Anastassia Depauld
lundi 15 décembre 2014
Entre savoir et beuverie
La ville de Louvain-la-Neuve qui était autrefois agricole a été bâtie autour de l’implantation de l’Université Catholique de Louvain qui est aujourd’hui une des plus prestigieuses de Belgique.
Crédit photo : Flickr.com/M0ietcesttout
La ville de Louvain-la-Neuve qui était autrefois agricole a été bâtie autour de l’implantation de l’Université Catholique de Louvain qui est aujourd’hui une des plus prestigieuses de Belgique.
Crédit photo : Flickr.com/M0ietcesttout
Quartier Libre fait voyager ses lecteurs aux quatre coins de la planète dans une série d’articles qui leur fait découvrir les universités d’ailleurs. Ce numéro-ci: la Belgique Sur à peine 30500 km2, trois langues d’enseignement principales se côtoient: le français, le néerlandais et l’allemand. Mieux connue pour ses frites et sa bière, la Belgique possède néanmoins de nombreuses universités francophones et des hautes écoles qui proposent un enseignement plus rude, mais qui s’accompagne d’une vie étudiante bien animée.

«En Belgique, il n’y a pas de critères d’admission, n’importe qui peut s’inscrire dans n’importe quelle faculté», explique le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques éducatives à l’UdeM et professeur à l’Université catholique de Louvain en Belgique, Christian Maroy.

Toute personne possédant un certificat d’enseignement secondaire supérieur peut accéder aux études supérieures. L’examen d’entrée n’est requis que pour les études d’ingénierie civile et dans certains programmes artistiques.«Paradoxalement, beaucoup de jeunes ne vont pas à l’université, car ils la jugent trop difficile, souligne M. Maroy. Le taux d’échec est important en première année.»

Des études difficiles, mais ouvertes à tous

Les étudiants en échange constatent l’exigence accrue des études en Belgique comparativement à celles de l’UdeM. «Au Québec, les points se donnent facilement, explique ­l’étudiante à la maîtrise en géographie à l’Université catholique de Louvain qui est en échange à l’UdeM Marie Vidotto. Si, pour un travail, j’ai 18 sur 20 ici, j’aurais eu 14 en Belgique.»

Le nombre de cours à suivre dans les universités belges ajoute aussi une difficulté aux étudiants. «Pour le nombre de crédits équivalant à quatre cours à l’UdeM, je devais suivre six cours en Belgique, mais ­c’était des cours de deux heures », précise l’étudiant en affaires internationales à HEC Anthony Frigon qui a étudié à l’Université catholique de Louvain durant la session d’hiver 2013.

Le mode d’évaluation fait aussi partie des facteurs qui rendent plus difficiles les études en Belgique. «La charge de travail n’est pas répartie au cours de la session, déclare l’étudiant au baccalauréat en biologie Félix Massé qui est actuellement en échange à l’Université libre de Bruxelles (ULB). À l’ULB, dans la majorité des cours, il y a un examen qui vaut 100 % de la note.»

Selon Christian Maroy, seulement 40 % des étudiants de première année réussissent leurs examens. C’est entre autres pour cette raison que les étudiants ont la possibilité de faire une reprise d’examen en août. «Il y a une ­deuxième chance, indique Félix Massé. Mais moi, en tant qu’étudiant étranger, je ne peux pas revenir l’été pour repasser mon examen.»

Le fait qu’il n’y ait qu’un seul examen en fin de trimestre oblige les étudiants à une plus grande rigueur. «Il y a moyen de garder le rythme, mais tu dois être plus autonome, et il faut savoir gérer son temps», conseille Anthony Frigon.

Solidarité et beuverie

«En Belgique, il y a une plus grande convivialité entre les étudiants et les professeurs, du moins dans mes cours, raconte Marie Vidotto. On s’échange tous nos notes de cours.» L’étudiante demeure un peu déçue de l’attitude de ses collègues québécois qui est, de son point de vue, plus compétitive et individualiste qu’en Belgique.

Pour le professeur Christian Maroy, cette attitude d’ouverture en Belgique vient de la société. «Les parents financent beaucoup les études, explique-t-il. C’est d’ailleurs réglementé dans la loi, les jeunes ne peuvent travailler qu’un certain nombre d’heures par an.» Les étudiants ne peuvent effectivement pas travailler plus de 50 jours par année, ce qui équivaut à moins de huit heures par semaine. Un plafond salarial leur est aussi imposé. «Puisqu’ils travaillent moins, les étudiants ont plus de temps pour partager en dehors des études», remarque le professeur.

La solidarité ne naît pas uniquement des cours, la vie extérieure au campus prend aussi beaucoup de place, notamment avec le phénomène des «baptêmes».«C’est quelque chose d’assez spectaculaire, déclare Félix.Chez nous, il y a des initiations qui durent une journée, là ça dure toute la session. Il y a des partys spéciaux, ils ont des uniformes et un système de hiérarchisation.»

Comme à l’UdeM, le processus d’initiation est souvent lié à l’alcool.«Même si cela a été fortement réglementé par les universités belges, il y a eu quelques excès, estime Christian Maroy. Il y a un problème d’alcoolisme chez les étudiants et il s’agit de l’aspect très négatif des baptêmes.» Le taux d’échec élevé en première année est souvent lié à ces activités d’initiation.