Entre carrés rouge et vert

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Par Charles Catignol
mardi 12 février 2013
Entre carrés rouge et vert
L’étudiant au collégial Danick Bonnette affirme que son Mouvement pour l’avenir de l’éducation du Québec n’a pas pour objectif de défendre la hausse des frais de scolarité. (Crédit : Courtoisie Danick Bonnette)
L’étudiant au collégial Danick Bonnette affirme que son Mouvement pour l’avenir de l’éducation du Québec n’a pas pour objectif de défendre la hausse des frais de scolarité. (Crédit : Courtoisie Danick Bonnette)

Le manque de représentativité des organisations étudiantes déjà existantes est à l’origine de la fondation du Mouvement pour l’avenir de l’éducation du Québec (MAEQ). Cette création d’une nouvelle organisation n’inquiète cependant pas les actuels représentants étudiants.

L’étudiant au Collège Ahuntsic Danick Bonnette est à la tête du projet de création du MAEQ dont le lancement officiel aura lieu prochainement. «L’une de nos principales motivations à créer le MAEQ est le malaise que nous ressentons dû au manque de représentativité des associations étudiantes existantes », précise-t-il. M. Bonnette souhaite un «juste milieu» dans la représentation des étudiants.

Le MAEQ donnera la possibilité aux étudiants qui se sentent sous-représentés de manifester leurs idées et accueillera une grande variété de points de vue. «Une société se compose d’une multitude d’opinions, explique-t-il. Une démocratie se retrouve malade lorsqu’une seule opinion dirige la société. Est-ce que les Fédérations étudiantes du Québec (FEUQ-FECQ), la Table de concertation étudiante du Québec ou l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) ont défendu la hausse durant le conflit étudiant ? Non.»

Ne pas prendre position

M. Bonnette insiste toutefois sur le fait que son organisation ne reprendra pas le flambeau du Mouvement des étudiants socialement responsables du Québec, appelés aussi les carrés verts, aujourd’hui dissous. «Nous ne sommes pas un groupe qui est là pour défendre la hausse des droits de scolarité», ajoute-t-il.

L’idée est surtout de repenser le rôle d’une association étudiante. «Peut-on avoir une position politique officielle, en tant qu’association étudiante, sans froisser certains de nos membres ? Nous ne le croyons pas, détaille-t-il. Lors du printemps érable, les associations étudiantes ont fait preuve d’un manque flagrant de responsabilité envers certains de leurs membres en les obligeant à endosser une position politique.»

Il en appelle également au penseur politique du 19e siècle Alexis de Tocqueville. «Tocqueville nous met en garde contre la tyrannie de la majorité, rapporte l’étudiant. Ce que nous avons observé durant le conflit étudiant lui aurait donné des cauchemars.»

Concrètement, le MAEQ veut être un espace de dialogue et axera sa mission sur les services offerts aux étudiants tels que l’accès à des stages payés et l’opportunité de faire du réseautage. L’objectif étant de donner la possibilité à chaque étudiant de progresser le plus possible dans son parcours professionnel et social, et ce, dans son intérêt, et, par extension, dans celui de la communauté en général. « Les réussites individuelles, comme l’entreprenariat, sont à la base d’une société riche, économiquement et socialement parlant, qui bénéficie à tous », souligne M. Bonnette. Selon lui, de nombreuses organisations sont déjà intéressées à se joindre au projet basé à Québec, à Sherbrooke et à Montréal. Mais nombre d’entre elles attendent la création officielle et définitive du MAEQ avant de l’intégrer .

Scepticisme

La création du MAEQ ne suscite pas d’inquiétudes parmi les autres associations étudiantes. « Les murmures de M. Bonnette ne m’impressionnent pas », affirme le porte-parole de l’ASSÉ, Jérémie Bédard-Wien. Il est d’autant plus serein que l’ASSÉ a vu le nombre de ses membres passer de 45 000 à 70 000 en quelques mois. « Je ne comprends pas trop le concept, ajoute-t-il. Il existe déjà des espaces de débat et le travail de représentation est déjà fait. »

Les présidentes des Fédérations étudiantes collégiales et universitaires du Québec, respectivement Éliane Laberge et Martine Desjardins, se montrent également dubitatives. «Il y a déjà suffisamment d’associations étudiantes », estime Mme Desjardins. Elles affirment que leurs associations respectives font preuve de pluralité puisqu’on y trouve des étudiants de différentes allégeances politiques. «Certains de nos membres étaient pour le gel, d’autres pour l’indexation. C’est après un débat que le gel nous est apparu comme la revendication la plus pragmatique » précise Mme Laberge, qui estime que le monopole détenu par la FECQ pour représenter les étudiants au niveau collégial est le meilleur moyen d’obtenir des victoires concrètes pour eux. Elle pense que la volonté de créer le MAEQ vient d’une méconnaissance des organisations étudiantes existantes. «Il n’y aucun prérequis idéologique pour adhérer à la FECQ, insiste Mme Laberge, qui reconnaît que « le printemps érable a brouillé les cartes.»

Aucune date de création officielle du MAEQ n’est pour le moment avancée. Qu’il soit lancé dans les prochaines semaines ou plus tard, le MAEQ devra prendre le temps de s’imposer. «À chaque fois qu’une association a été fondée, en plus de 50 ans d’histoire du mouvement étudiant, il a fallu 10 ans pour qu’elle devienne efficace», rappelle Mme Laberge.