Entre art et communication

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Par Floriane Padoan
lundi 9 octobre 2017
Entre art et communication
Émilie Larocque-Allard poursuit actuellement ses recherches sur les liens entre l'art et la dévotion en Italie. (Photo : Jèsybèle Cyr)
Émilie Larocque-Allard poursuit actuellement ses recherches sur les liens entre l'art et la dévotion en Italie. (Photo : Jèsybèle Cyr)
Une conférence intitulée La Révolution en affiches sera donnée sur le campus de l’UdeM de Laval le 17 octobre prochain par le professeur de design de l’UQAM Marc H. Choko. Au-delà de son aspect informatif et publicitaire, l’affiche est également considérée par certains comme une forme d’art.
L’affiche attire le regard, introduit la poésie dans l’espace public.
Emmanuel Deraps, Étudiant en maîtrise recherche et création littéraire à l’UQAM

Selon M. Choko, l’aspect artistique de l’affiche est incontestable, mais, à la différence d’un objet d’art reconnu comme tel, son procédé artistique se définit en fonction des contraintes commerciales qui lui sont imposées. « Pour moi, c’est un exercice artistique particulier, qui est complètement différent d’un tableau, parce qu’il y a une commande, des contraintes, lesquelles sont partie intégrante de la réussite éventuelle de l’œuvre, explique-t-il. Un très bon peintre n’est pas forcément un bon affichiste. »

Il ajoute qu’historiquement, les milieux artistiques méprisaient l’affiche, surtout en Amérique du Nord. « C’est encore en grande partie vrai aujourd’hui parce que c’est de l’art commercial », dit-il.

L’étudiante libre Émilie Larocque-Allard a été chargée du graphisme de poèmes-affiches pour l’exposition performative Le cœur-réflexe, un vaste projet intermédiatique autour du livre Montréal brûle-t-elle ? de la poétesse Hélène Monette. Elle considère que l’affiche se trouve à mi-chemin entre l’œuvre d’art et l’objet de communication pouvant être reproduite à l’infini et de manière identique. « Ce sont des œuvres tirées à tellement d’exemplaires qu’il n’y a pas le précieux de l’œuvre unique, explique-t-elle. On dirait qu’on s’en détache plus facilement. »

Atteindre un large public

En réponse à un appel de la revue des étudiants en littératures de langue française de l’UdeM, Le Pied, l’étudiant en maîtrise recherche et création littéraire à l’UQAM Emmanuel Deraps a collaboré avec un illustrateur pour la création de poèmes-affiches. L’initiative de la revue visait à présenter l’affiche comme forme littéraire à part entière, tout en utilisant ce support comme outil de promotion de la poésie. « Il est évident que les formes visuelles rendent le texte plus accessible, croit Emmanuel. L’affiche attire le regard, introduit la poésie dans l’espace public. Il y a quelque chose de subversif à laisser des poèmes là où ils ne sont pas attendus, là où les destinataires ne sont pas en mode réception. »

Cette particularité de l’affiche est soulignée par le professeur Marc H. Choko. « Pour moi, c’est la plus grande exposition à ciel ouvert, gratuite et constamment renouvelée qui puisse exister », illustre-t-il.

Un procédé collaboratif

L’exercice de collaboration entre poète et illustrateur a été, pour Emmanuel, une expérience enrichissante d’échange entre deux modes d’expression et un réel apport à son travail et sa réflexion artistiques. « J’ai laissé mon univers littéraire entre les mains d’un réalisateur qui s’est donné pour mission de lui donner une image, de le traduire visuellement, exprime-t-il. C’est évident que le texte, à ce moment-là, t’échappe un peu en tant qu’auteur, et c’est un peu la beauté de la chose. Ton texte, qui t’était si cher, devient quelque chose d’externe, prend vie à l’extérieur de toi. Tu n’as plus vraiment de contrôle sur lui. »

Dans le cas d’Émilie, le projet du Cœur-réflexe l’a amenée à faire des concessions. « Ça fait beaucoup de cerveaux qui pensent de manière différente, il a fallu faire beaucoup de choix, témoigne-t-elle. Il y en a qui voulaient des trucs pour provoquer l’auditoire, moi je n’étais pas vraiment d’accord avec ça. »

L’affiche en tant qu’œuvre littéraire offre ainsi d’intéressantes possibilités, en dépit de ses limites. « Le format de l’affiche répond et alimente plus fortement un certain type de poème, mais n’a que peu de choses à apporter à d’autres types de poèmes », indique Emmanuel. Selon lui, l’écriture de recueil permet une réflexion plus approfondie, alors que l’affiche possède l’avantage d’être intense et instantanée.