Entente entre Uber Eats et Lambert Avocats : les étudiant·e·s s’opposent

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Par Patrick MacIntyre
dimanche 16 octobre 2022
Entente entre Uber Eats et Lambert Avocats : les étudiant·e·s s’opposent
Après que des étudiant·e·s en droit de l’UdeM ont contesté une entente entre Uber Eats et le cabinet Lambert Avocats, ce dernier remet cette affaire sur le devant de la scène.

Six étudiant·e·s s’étaient présentés à la Cour supérieure du Québec le 18 mars 2022, épaulé·e·s  par leur professeure, Catherine Piché, pour tenter de contester une entente entre Uber Eats et le cabinet Lambert Avocats.

La Presse avait dévoilé que les deux parties s’étaient entendues à l’amiable à la suite du dépôt de deux recours collectifs à l’encontre d’Uber Eats au nom d’une consommatrice québécoise, Fay Leung (voir détails dans l’encadré ci-dessous).

L’argument principal avancé par les étudiant·e·s en droit pour contester cette entente était que le montant payé par Uber Eats dans le cadre de celle-ci profiterait principalement à l’avocat ayant déposé la poursuite et non aux consommateur·rice·s québécois·e·s. De quoi miner la crédibilité de l’action collective, selon la coordonnatrice du groupe, Marie-Ève Maillé.

Le 31 mars dernier, le juge a donné raison au groupe d’étudiant·e·s en ordonnant l’annulation de l’entente. En plus d’avoir eu gain de cause, Mme Maillet a déclaré à La Presse que le processus avait été une belle expérience d’apprentissage et aussi mené à un congé de devoir.

Toutefois, cette affaire connaît depuis le 11 octobre un nouveau rebondissement : La Presse a révélé que Lambert Avocats a déposé à nouveau un recours collectif contre Uber Eats. La Cour supérieure du Québec doit ainsi se repencher sur le dossier. De nouveau interrogée sur le sujet, Mme Maillé a affirmé à La Presse être surprise que le cabinet redémarre les procédures.

 

Afin de clarifier l’affaire, voici un rappel des faits :

21 décembre 2020 : Lambert Avocats dépose une demande d’action collective au nom de Fay Leung contre Uber Eats. Mme Leung informe le cabinet que des frais de livraison de 3,99 $ se sont automatiquement ajoutés à sa commande effectuée sur l’application mobile du service, et ce, au moment du paiement.

Or, selon Me Jimmy Ernst Jr. Laguë Lambert, l’avocat responsable du dossier, le prix affiché d’un bien ou d’un service doit comprendre tous les frais. En s’appuyant sur la Loi sur la protection du consommateur, Me Laguë Lambert a avancé l’argument selon lequel les frais de 3,99 $ étaient illégaux, car ceux-ci n’apparaissent qu’au moment du paiement.

12 juillet 2021 : Lambert Avocats dépose une seconde requête similaire à l’encontre d’Uber Eats, toujours au nom de Fay Leung. Cette fois, Me Lambert conteste le fait que lorsque certaines offres s’appliquent à une commande, les frais de service de 10 % sont calculés sans tenir compte de celles-ci. Ce procédé a pour effet de faire parfois payer à la clientèle d’Uber Eats des frais de service supérieurs à 10 %, en appliquant les frais à des articles gratuits. Le cabinet reproche donc à Uber Eats d’avoir contrevenu à la disposition de la Loi sur la protection du consommateur selon laquelle les commerçants ne peuvent pas faire de «représentation fausse ou trompeuse à un consommateur».

Les deux demandes ont été regroupées et visent à l’obtention de remboursements pour les «des frais de livraison illégaux» et «des frais de service en trop» que des consommateur·rice·s québécois auraient payé en commandant sur Uber Eats.

Novembre 2021 : Selon La Presse, une entente à l’amiable entre Lambert Avocats et Uber Eats serait survenue. «Dans cette entente, Uber accepte de verser une somme de 55000 $ en crédits Uber à des organismes de bienfaisance choisis par l’entreprise; 81900 $ vont au Fonds d’aide aux actions collectives, mentionne le journal. Enfin, 63500 $ servent à payer les avocats représentant le groupe “pour couvrir leurs honoraires, taxes et débours sous réserve de l’approbation de la Cour et des ajustements qui pourraient être requis.”»

22 décembre 2021 : La Presse indique que la demande est déposée à la Cour supérieure du Québec pour demander l’approbation d’un juge.

18 mars 2022 : L’audience pour obtenir l’approbation de la Cour a lieu. Un groupe composé de six étudiant·e·s de l’Université de Montréal, accompagné de leur professeure, fait entendre ses arguments. Les étudiant·e·s dénoncent notamment «le fait qu’on n’a pas évalué les probabilités de succès de l’action collective, que les organismes de bienfaisance seront contraints de recourir aux services d’Uber Eats sous forme de crédits, que les honoraires de 63500 $, soit 31,75 % du montant total, paraissent injustifiés, et que le paiement qu’Uber Eats a accepté de payer ne reflète pas le nombre d’utilisateurs du service au Québec.»

31 mars 2022 : Le juge donne raison aux étudiant·e·s et annonce l’annulation de l’entente. Selon lui, le montant de celle-ci ne reflète pas le nombre de consommateur·rice·s concerné·e·s et profite surtout à l’avocat ayant déposé la requête.

11 octobre 2022 : LaPresse rapporte que le cabinet Lambert Avocats soumet à nouveau sa demande d’action collective, cette fois-ci en scindant les demandes auparavant combinées, afin d’inclure uniquement celle de décembre 2020 portant sur les frais de 3,99 $. Me Lambert soutient que la demande demeure importante et qu’aucune autre de ce type n’existe, selon lui, au sein de la jurisprudence québécoise.