Entends-tu ce que je vois ?

icone Societe
Par Katy Larouche
mercredi 26 février 2014
Entends-tu ce que je vois ?
chaque région temporale du cerveau a une fonction particulière dans la mémorisation : la droite enregistre les mots et les sons tandis que la gauche est consacrée à la mémoire visuelle. (crédit photo : Adil Boukind)
chaque région temporale du cerveau a une fonction particulière dans la mémorisation : la droite enregistre les mots et les sons tandis que la gauche est consacrée à la mémoire visuelle. (crédit photo : Adil Boukind)

Retenir ce que disent les professeurs en classe est facile pour certains étudiants alors que pour d’autres, toutes les informations semblent disparaître en quelques minutes. Mais l’absence de mémoire auditive n’est pas une fatalité. Elle peut être compensée par un autre type de mémoire ou même être développée.

«J’ai l’habitude de lire mes notes de cours à voix haute pour les apprendre, raconte la violoniste et étudiante à la Faculté de musique de l’UdeM Élisabeth Vachon. J’ai commencé la musique à six ans et demi. J’apprenais des pièces par cœur à l’oreille ou en reproduisant ce que je venais d’entendre, donc ça m’a permis de développer une mémoire auditive très tôt. » Toutefois, l’étudiante a des difficultés à mémoriser visuellement ses partitions et essaie de développer cet aspect. « Je mets des repères de couleur sur mes partitions pour m’aider à les mémoriser visuellement », déclare-t-elle.

La neuropsychologue au soutien à l’apprentissage du Centre étudiant de soutien à la réussite (CÉSAR), Anne-Laure Macé, souligne que la mémoire auditive, comme les autres types de mémoire, se développe tout particulièrement pendant la croissance. « Chaque personne naît avec un bagage de neurones différents, mais ce sont les connexions réalisées durant l’enfance et l’adolescence qui vont créer les réseaux de mémoire », souligne Mme Macé.

Les régions temporales du cerveau, situées sur les côtés de la tête, sont responsables de la mémoire. « L’hippocampe gauche s’occupe de l’auditivo-verbal, donc les mots et les sons, alors que le côté droit s’occupe de la mémoire visuelle », explique la neuropsychologue. Chaque type de mémoire est par conséquent régi par une région spécifique.

Raconter pour voir

Dans certains cas particuliers, cette disposition peut être appelée à se transformer. « Si on me lit une mise en situation, même juste une fois, comme je n’aurai pas accès au texte après, tout est enregistré dans ma tête », raconte l’étudiante au diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en intervention en déficience visuelle, Stéphanie Michaud. La jeune femme non-voyante a toujours compté davantage sur ses oreilles pour se souvenir, malgré sa vision partielle.

« Il a été prouvé que les régions qui sont initialement allouées à la vision peuvent être réutilisées pour d’autres fonctions, comme le traitement des sons, si une personne perd la vue très jeune », explique Mme Macé. Dans le cas de Stéphanie Michaud, son handicap l’a aussi amenée à développer une mémoire kinesthésique – liée aux mouvements – que peu de gens utilisent consciemment. « Quand je touche à des points brailles, je peux m’en faire une image dans ma tête et saisir rapidement ce qui est écrit », dit-elle.

Même si la mémoire se développe surtout durant la jeunesse, il est possible de la travailler tout au long de sa vie avec des stratégies qui font appel à d’autres régions du cerveau, convient la neuropsychologue du CÉSAR.

Selon elle, le fait de visualiser les informations pour les retenir comme le fait Stéphanie constitue une bonne façon d’améliorer sa mémoire, même auditive. « Si tu t’imagines les mots, que tu te crées une histoire à partir d’eux ou que tu les catégorises par groupe, tu vas avoir une meilleure performance », explique Anne-Laure Macé. Selon les recherches publiées à ce jour, ces stratégies, dites mnémotechniques, sont beaucoup plus efficaces que le simple fait de répéter des mots.

« Je me souviens plus facilement des choses quand je suis active dans mon apprentissage, quand je vois ou que j’expérimente moi-même », estime l’étudiante en enseignement primaire et préscolaire Jessica Côté. Elle fait partie des étudiants pour qui la prise de note active est essentielle pour retenir les informations en cours. « En enseignement primaire, on nous apprend qu’il est très important de solliciter les différents types de mémoire chez les enfants, mais c’est tout aussi important chez les adultes », croit-elle. Malgré les méthodes qu’elle utilise pour stimuler sa mémoire, la future enseignante pense que les professeurs d’université ont aussi un rôle à jouer en diversifiant davantage leurs techniques d’enseignement pour stimuler la mémoire des étudiants.