Volume 18

Engagez-vous, qu’ils disaient…

En 2008, à peine 37 % des électeurs de 18 à 24 ans se sont présentés dans un bureau de vote, d’un océan à l’autre. Voilà pourquoi Élections Canada fait présentement campagne pour mobiliser les jeunes aux enjeux des présentes élections, leur proposant même de voter par anticipation avant le tourbillon de la fin de session. Cet effort sera-t-il suffisant pour contrer le cynisme d’une génération qui se fout du parlementarisme façon canadienne ?

Doit-on alors conclure que les jeunes, puisqu’ils sont désintéressés de la chose politique, sont par conséquent désengagés ? Un récent article du Forum présente la thèse d’une étude sur l’engagement de la génération montante : les «C» en tant que citoyens. L’étude menée par Sandra Rodriguez, doctorante en sociologie, en collaboration avec le Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO), soumet l’idée que les 20-35 sont engagés sans le savoir ! Voilà une affirmation bien surprenante.

Mme Rodriguez soutient que s’ils ne sont pas prêts à se qualifier eux-mêmes de personnes engagées, les jeunes d’aujourd’hui sont cependant plus investis qu’ils ne le croient. Selon elle, les jeunes sont «préoccupés», «recherchent du contenu» et «n’hésitent pas à se prononcer dans des consultations en ligne ». Des traits de caractère qui se résumeraient par la créativité, la consommation et la communication. C’est pourquoi les chercheurs la qualifient de génération C.

Je refuse de conclure que ces attitudes caractéristiques d’une certaine tranche d’âge peuvent être considérées comme un réel engagement social et politique. J’y vois un nivellement par le bas : s’il suffit de donner quelques dollars à Équiterre ou «d’aimer» une page Facebook pour être considéré comme engagé, nous sommes en droit de nous questionner sur la santé de notre démocratie.

N’ayons pas peur des mots. Pourquoi utiliser un euphémisme comme «changement dans les modes de participation» pour désigner un phénomène bien plus alarmant : le désengagement massif des jeunes de la sphère publique et politique ?

Pire. L’équipe du CEFRIO adresse une série de conseils à des organisations privées désireuses d’attirer l’attention de cette nouvelle lignée. Parmi ces avis, le centre de recherche souligne que les C « apprécient la drôlerie, le sarcasme et la dérision» et ne tolèrent pas les informations frauduleuses ou démagogues parce que, dit-on « la vérité finit toujours par sortir sur le Web». Belle façon de souligner l’appétit consumériste d’une génération.

Élections Canada est en droit de craindre une désertion catastrophique des jeunes. La génération C est-elle autre chose qu’un public cible, qu’un bassin de consommateurs 2.0? Peut-on définir l’engagement par la passivité et l’indifférence ? Je souhaite que nous répondions par la négative à cette question lors du scrutin du 2 mai.

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