Des capteurs de place de parking vide. Des poubelles intelligentes qui communiquent leur niveau de remplissage. Des trottoirs chauffants. Vous n’êtes pas en train de lire l’incipit d’un texte de science-fiction, mais bien la liste non-exhaustive de technologies déjà existantes dans les villes dites intelligentes. Mais cette intelligence doit-elle uniquement se mesurer en termes d’innovation technologique et d’efficacité des services publics ?
Ces évolutions sont notamment possibles grâce à des applications programmées au moyen d’algorithmes complexes, mystérieuses lignes de code qui régissent notre quotidien. De tels programmes informatiques peuvent être mis au service de l’humain philanthrope tout comme ils peuvent asservir l’opinion. Facebook constitue justement l’une des terres fertiles de l’algorithme roi où, dans une analyse chirurgicale de l’expérience virtuelle, le clic est millimétré, le « like » est archivé, la réflexion est anesthésiée.
Alors même que les réseaux sociaux influencent subtilement et quotidiennement nos choix, exacerber les connexions entre les objets urbains et les Hommes peut sembler dangereux à certains égards. Entre montres connectées, téléphones intelligents, tablettes et ordinateurs, l’individu tend à devenir vassal d’une société de consommation toujours plus exigeante. Au-delà du trottoir qui caresse chaudement nos pieds, il est donc nécessaire pour la relève citoyenne d’appréhender l’humanité de la ville avant son intelligence. De comprendre que les technologies consacrées au progrès social et environnemental ont un potentiel significatif.
À Barcelone par exemple, l’application mobile Vincles BCN a été développée pour contrer l’isolement social des personnes âgées. Les plus de 65 ans ainsi que les personnes limitées physiquement ou mentalement ont facilement accès à des services de santé, peuvent communiquer rapidement avec leur cercle social ou même avec des employés du secteur public. Une telle initiative est inestimable puisqu’elle est basée avant tout sur la compassion. Elle est représentative d’une intelligence commune dévouée et sensible à l’inéluctable vieillissement de sa communauté.
La Ville de Montréal est également hôte de nombreux projets en cours de réflexion, telle que l’élaboration d’un programme de formation en bibliothèque visant à développer des compétences de littératie et de citoyenneté numérique. Une idée originale, qui accorde une véritable résonance humaine à un projet d’éducation numérique à travers la réunion des citoyens dans les bibliothèques de la métropole.
L’intelligence de la ville doit aussi être appréhendée dans sa dimension environnementale. Une « forêt urbaine » à Montréal vise la plantation de 180 000 arbres sur le domaine privé d’ici 2025 et contribue à l’augmentation de la biodiversité (144 espèces et variétés d’arbres), à la réduction des îlots de chaleur, à l’amélioration de la qualité de l’air. Dans un même ordre d’idée, le projet « Pollinisons Montréal » souhaite rassembler différents acteurs privés et publics dans la création d’espaces verts favorables aux abeilles.
Si nous sommes capables de recréer des étendues réservées à l’activité et aux interactions des abeilles, repensons également nos façons de dialoguer dans l’espace urbain. Repollinisons l’intelligence créative de la ville dans sa complexion humaine et altruiste. Car la ville intelligente et, par là même nos technologies, ne doivent pas mener à l’isolement derrière l’écran ou à la satisfaction seule des besoins de l’individu citadin en termes de confort et d’accès au service public. Elles pourraient, et tendent déjà à devenir le socle d’une nouvelle collaboration « intercitoyenne » où les échanges humains, les projets durables et l’expérience urbaine se font aussi et surtout, en chair et en os.