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En attendant le ciel bleu

 

Lire les passages en italique comme un texte de fiction. Lire les passages en caractère romain comme un texte informatif

 

Une porte de toilette pleine de graffitis. (MEAT IS MURDER/ /Je t’m Sara/Laissez-moi chier en paix) C’est la dernière image que tu as vue avant de mourir d’une overdose dans la salle de bain de la Centrale d’autobus à Berri-UQAM. Ça me donne envie de vomir. J’y pense chaque fois que je me pique. Puis, j’imagine un ciel bleu ou une fille cute. Je me dis que si je meurs, au moins ce sera une belle fin, dans ma tête.

 

Nous sommes en concertation pour nous entendre avec les différents acteurs locaux – les résidents et les conseillers de l’arrondissement Ville- Marie, ainsi que le ministère de la Santé et des Services sociaux – pour le projet de site d’injection supervisé à Montréal.

 

Même si Insite [site d’injection supervisée à Vancouver] comparaît bientôt en Cour suprême, je suis confiant de la légalité de l’entreprise. D’abord, il s’agit d’une compétence provinciale ; et nous n’avons reçu ni plainte ni menace.

 

Nous souhaitons ouvrir un site dans Hochelaga-Maisonneuve et un autre sur le Plateau Mont-Royal. La dynamique serait plus locale, à l’image de la réalité de l’injection à Montréal.

Jean-François Mary, responsable de l’organisation communautaire et des communications chez Cactus Montréal, site fixe de distribution, d’échange de matériel stérile et de prévention.

 

Ici ailleurs

 

Sous ma peau, dans mes veines, coulent des voyages que je n’ai pas la chance de faire. Faute d’argent et faute d’un corps pour me porter plus loin que la rue. Je reste ici ailleurs.

 

Sous ma couverture, je me souviens de cette nuit-là, de ta seringue enfoncée dans mon bras. On s’était baptisés « frères de sang » en riant. Maintenant, tu coules dans mes veines même si tu es parti. Il fait vide.

 

Mes patients ne sont pas tous prêts à arrêter de consommer. Avec le soutien d’un site d’injection supervisée, ils seront plus en sécurité. Les risques d’overdoses sont réduits grâce à la supervision du personnel, et si le pire survient, il y a tout de même une équipe médicale sur place prête à intervenir. On prévient la transmission d’infections transmissibles sexuellement et par le sang en utilisant du matériel stérile.

 

Caroline Fortin, infirmière de liaison pour l’Institut universitaire sur les dépendances Dollard-Cormier.

 

Il faut apprendre à éviter les mauvais regards et les crachats. Les « Tu devrais te trouver une job », les « Tu ne fous rien de ta vie, sale punk ». La neige, la pluie, les vêtements trempés. Il faut trouver un endroit sec à l’intérieur de soi. Pour ne pas perdre pied. C’est un vertige qui recommence chaque jour : quêter, chercher de la bouffe, nourrir le chien, refuser les avances des hommes malgré le besoin d’argent, trouver un fix, ne pas se faire arrêter par les flics, dormir malgré le froid et le bruit des autos.

 

On veut briser le tabou de l’injection, encore présent chez plusieurs usagers. C’est ce tabou qui crée le sentiment d’exclusion et la marginalisation. Les usagers se retrouveront dans un espace libre de préjugés.

J.-F. M.

 

Lignes de vie

 

Je mets la poudre dans ma main ; elle recouvre ma ligne de vie. Un instant, je me demande si un jour j’aurai une job, un appart, une blonde, des enfants. Si j’irai au bout de la ligne. Ma main tremble. Il me faut recommencer les mêmes gestes pour retrouver mon calme et les images réconfortantes du ciel bleu et de la fille cute.

 

Cactus Montréal offre des seringues pour réduire les infections. 75 à 120 personnes viennent quotidiennement pour en obtenir ou pour bénéficier d’un soutien psychologique. Si tout se passe bien, en juin nous engagerons deux infirmières et deux travailleurs sociaux pour superviser l’injection de drogue. Selon nos estimations, environ 50 consommateurs utiliseront ce service gratuit.

J.-F. M.

 

Mes sincères remerciements à l’usager – voulant garder l’anonymat – qui a accepté de partager son expérience pour m’inspirer dans l’écriture de cette chronique.

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