Emprunter des semences pour son jardin, à la bibliothèque

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Par Esther Thommeret
dimanche 31 janvier 2021
Emprunter des semences pour son jardin, à la bibliothèque
Les personnes ayant effectué des emprunts ont jusqu’à un an pour renvoyer les semences une fois qu’elles ont été cultivées. Crédit : Markus Spiske via Unsplash.
Les personnes ayant effectué des emprunts ont jusqu’à un an pour renvoyer les semences une fois qu’elles ont été cultivées. Crédit : Markus Spiske via Unsplash.

L’étudiante au baccalauréat en études de l’environnement à l’Université de Sherbrooke Béatrice Thomassin-Demers a lancé une bibliothèque de semences en ligne, qui permet aux Québécois de faire pousser des variétés ancestrales dans leur jardin. Ce projet vise à protéger l’agrodiversité de la province et à créer un esprit de communauté.

Quartier Libre : Pourquoi avoir lancé une bibliothèque de semences ?

Béatrice Thomassin-Demers : J’ai fait un stage en sécurité alimentaire et agriculture urbaine sur l’île de Vancouver, il y avait une « bibliothèque de semences » au sein de la municipalité. Ça m’avait vraiment inspirée et je me suis dit que je pourrais essayer de faire ça ici, que ça allait attirer des gens qui ont moins d’argent, ou ceux qui veulent commencer un jardin ou encore manger plus local.

Q.L. : Comment ce projet permet-il de protéger l’agrodiversité du Québec ?

B. T-D. : Ces dernières décennies, il y a eu une espèce de priorisation de certaines variétés qui vont être plus « performantes », au détriment d’autres. Il y a une perte de semences de notre patrimoine et ça peut amener à une perte d’agrodiversité, autrement dit, à une perte de diversité au sein des gènes. Il y a une sorte de reproduction consanguine. Quand on fait de la reproduction au sein de différentes variétés, on retrouve moins de problèmes.

Q.L. : Pour toi, il s’agit un projet « communautaire ». Pourquoi ?

B. T-D. : Je trouve que c’est un projet qui amène des discussions, des connexions, et du partage entre les gens. Un jour, un monsieur m’a envoyé des photos de son jardin, il était très fier et il avait envie de partager son histoire. Ce sont souvent des histoires en lien avec des personnes, des histoires familiales, et je trouve ça très beau.

En ce moment, je cherche un terrain pour cet été. Je voudrais faire pousser les semences qui n’ont pas été empruntées pour pouvoir les renouveler, vu qu’elles ont quand même une date de péremption dépendamment des variétés. Ça va amener à un genre de communauté, les bénévoles vont venir m’aider, on va pouvoir jardiner ensemble et « connecter ».

Q.L. : Comment fonctionne la bibliothèque en ligne ?

B. T-D. : Les personnes peuvent consulter le catalogue des semences disponibles sur le site Internet de la bibliothèque. Elles doivent remplir une fiche, et elles ont droit à trois variétés par emprunt. Ensuite, je leur envoie par la poste, avec un document qui explique comment faire des semis.

J’inscris tout dans un fichier Excel et je fais un suivi trois mois plus tard pour les accompagner dans leur culture, leur donner des trucs et astuces. Mon objectif est vraiment de les accompagner dans cette démarche. J’aime aussi aller chercher les gens qui ne s’y connaissent pas du tout et les épauler dans ce projet. Ils ont jusqu’à un an pour renvoyer les semences une fois qu’elles ont été cultivées.

Jusqu’à présent, je reçois trois à quatre demandes d’emprunt par jour.

Q.L. : D’où viennent les semences de la bibliothèque ?

B. T-D. : J’ai reçu plusieurs dons, notamment du jardin collectif de l’Université de Sherbrooke où je fais du bénévolat, mais aussi de la ferme Tourne-Sol. Je reçois beaucoup de courges et de verdure, mais aussi des pousses de tomate « Mémé de Beauce ». Ce qui est intéressant, c’est que depuis que j’ai commencé mon projet, plusieurs personnes m’ont écrit pour me dire : « J’ai cette semence-là, elle est ancestrale, voici son histoire ». Elles veulent me partager ça, et je trouve ça très beau.