Culture

Émancipation au royaume de l’abri Tempo

Exit Montréal, bonjour Laval. Grâce au réseau de diffusion Scène 1425, l’Île Jésus devient une destination à la mode pour les musiciens québécois et internationaux. Un grand pas en avant pour la troisième ville la plus populeuse du Québec, qui n’a jamais autant misé sur son émancipation culturelle.

 

«J’ai habité à Laval pendant 25 ans, et il n’y avait vraiment rien à foutre, affirme sans détour le blogueur et membre du groupe rap 2 Legit 2 Quit, Stéphane “Pellep” Pélichet. Pourtant, il y a plein de jeunes adultes, d’adolescents qui veulent sortir, qui aiment aller voir des spectacles. Ça prenait quelque chose pour les satisfaire. », rajoute le rappeur qui était de passage à la Maison des arts de Laval le 24 septembre dernier aux côtés d’Andrew WK et de Galaxie.

 

Andrew W.K

Une semaine plus tard, c’était la légende du rap français IAM qui prenait d’assaut la banlieue avec le rappeur québécois Koriass, mais cette fois-ci à la fameuse Récréathèque du boulevard Curé-Labelle. «Le plus difficile pour IAM, ç’a a été d’expliquer aux producteurs où est Laval et qu’est-ce que c’est la Récréathèque, affirme, en riant, le promoteur et fondateur de la Scène1425, Julien Aidelbaum. Le but, c’est de créer des contextes dont les gens vont encore se rappeler dans dix ans, de jouer avec les clichés de la banlieue.»

 

Parmi ces clichés, Julien Aidelbaum note la Salle André-Mathieu, qui a longtemps eu la réputation d’être une salle de spectacles de variétés pour 45 ans et plus. «Il y a quatre ans, je suis allé m’asseoir avec les propriétaires de la salle, raconte le jeune promoteur à propos des balbutiements de son projet. Ils voulaient construire une nouvelle programmation plus axée sur la jeunesse. C’est de là qu’est venue l’idée de Scène 1425, une plateforme musicale conçue exclusivement pour les jeunes banlieusards du nord, de 14 à 25 ans.» En 2011, le réseau de diffusion a même poussé son projet vers d’autres contrées en organisant des spectacles du trio folk canadien Timber Timbre et de la bombe électro-pop montréalaise New Cities à Joliette et à Victoriaville, par exemple.

 

C’est la faute à Arcade Fire

Étudiant à l ’Université de Montréal , Nicolas Monette habite Laval depuis l’âge de six ans. Au cours des dernières années, il a vu les choses changer dans sa ville. Le 5 octobre prochain, il se rendra à deux pas de chez lui, à  la Salle André-Mathieu, pour voir le spectacle de la sensation indie de l’Iowa, Little Scream. «Je crois qu’il y a de plus en plus d’engouement de la part des Lavallois pour des spectacles de qualité dans leur ville, dit-il. On dirait que c’est devenu la mode de jouer en banlieue depuis qu’Arcade Fire l’a fait l’an dernier à Longueuil», s’enthousiasme-t-il.

 

Une mode qui donne désormais un côté plus urbain à Laval, selon le promoteur Julien Aidelbaum. «Depuis trois ans, on se rend compte que les Lavallois ont envie de sortir dans leur ville et qu’ils sont capables de remplir des salles de spectacles. Ils sont de plus en plus attirés vers ce qui est marginal », ajoute-t-il. Plus nuancé, le blogueur et rappeur Pellep rappelle que la banlieue nord de Montréal n’est pas non plus le nouveau Plateau. « C’est sûr qu’il y a beaucoup de changements, mais Laval, c’est encore le paradis de l’abri Tempo, dit-il, en riant. Ce n’est pas le genre de choses qui va changer de sitôt.»

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