Depuis l’automne dernier, l’UdeM étudie la façon de perfectionner le filtrage des commentaires que les étudiants formulent lors de l’évaluation des enseignants. Si personne ne doute de l’importance d’une nouvelle mesure, la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM) tient à éviter qu’elle ne devienne un objet de censure.
L’UdeM a entrepris un important travail de réflexion sur la façon d’éliminer les commentaires de nature offensante auxquels certains professeurs sont exposés. Lors de l’assemblée universitaire du 17 septembre 2012, le président du Syndicat général des professeurs de l’UdeM (SGPUM), Jean Portugais, a notamment accusé l’Université d’être responsable de préjudices subis par certains professeurs exposés à des propos haineux et discriminatoires.
Pour répondre aux différentes préoccupations exprimées en assemblée, le vice-recteur adjoint aux études de premier cycle, Jean-Pierre Blondin, a mis sur pied un sous-comité de filtrage des commentaires libres avec le mandat de revoir le processus et les règles de filtrage.
« Il y a toujours eu des règles pour empêcher les messages répréhensibles d’être transmis aux professeurs, affirme M. Blondin. Le sous-comité a pour tâche de rendre ces règles plus méthodiques, comme il nous l’a été demandé en assemblée. »
Ce filtrage ne se limite pas aux propos injurieux et devra proscrire tout commentaire non pertinent. « On juge non pertinent tout commentaire, positif ou négatif, qui n’est pas susceptible de fournir une information qui puisse aider le professeur à améliorer son enseignement, explique la directrice des Services de soutien à l’enseignement, Rachida Azdouz. On ne veut absolument pas bloquer les critiques, mais elles doivent rester utiles. »
Le coordonnateur aux affaires académiques de la FAÉCUM, Robin Mercier-Villeneuve, siège au Comité institutionnel d’évaluation de l’enseignement (CIEE) de l’UdeM. Selon lui, bien que les commentaires désobligeants doivent être proscrits, il faut établir une limite dans le processus de filtrage. « La FAÉCUM siège au nouveau sous-comité pour éviter que les propos pertinents ne soient éliminés, soutient-il. On est ouvert à améliorer le système de filtrage, mais nous n’irons sûrement jamais aussi loin que le voudrait le syndicat des professeurs. »
Plusieurs étudiants mettent effectivement en doute la limite qui sera fixée par ce sous-comité. C’est le cas du coordonnateur aux affaires externes de l’Association des étudiants en études cinématographiques de l’UdeM, Emmanuel Campeau. « Même s’il est acerbe ou trop direct, un propos peut révéler un problème dans l’enseignement du professeur et s’avérer important, affirme-t-il. Il faut distinguer les commentaires non pertinents de ceux qui sont simplement mal écrits. »
Des mesures plus sévères
L’anonymat des commentaires a même été remis en question lors du débat en assemblée. Le professeur au Département de communication Milton Campos a proposé qu’on rende obligatoire la signature des commentaires, sans que les enseignants aient accès à l’identité des répondants. Les propos seraient archivés et l’étudiant en assumerait alors la pleine responsabilité.
Cette avenue a été rejetée par Jean- Pierre Blondin, qui soutient que l’anonymat des commentaires est une garantie offerte aux étudiants depuis l’apparition de cette rubrique en 1976.
Selon Jean Portuguais, le SGPUM s’explique mal pourquoi ce processus de filtrage n’est apparu que tout récemment. « L’UdeM s’est fait le vecteur de propos répréhensibles et contraires aux lois, dénonce-t-il. Les cas sont rares, mais certains des professeurs qui rencontraient des périodes difficiles ont subi des répercussions psychologiques sérieuses. » Le président du SGPUM a même exprimé l’idée d’éliminer la section commentaire de l’évaluation si l’UdeM ne peut se doter de règles rigoureuses pour éviter la propagation de propos haineux. « Dans tous les cas, il est inconcevable que l’UdeM permette à des répondants anonymes d’attaquer qui que ce soit », tranche-t-il.
Selon Robin Mercier-Villeneuve, certains commentaires se retrouvent dans une zone grise. « Par exemple, des commentaires comme ‘‘votre enseignement n’est pas assez interactif’’ peuvent remettre en cause les techniques d’enseignement et être constructifs, explique-t- il. Ils ne doivent pas être rejetés parce que certains les trouvent trop vagues et donc non pertinents. »
L’étudiante au baccalauréat en relations industrielles Océane Ferland-Schwartz note la complexité de la situation. « Si l’accent prononcé d’un enseignant étranger m’empêche de bien comprendre la matière qu’il présente, ça peut être important qu’il soit mis au courant, affirme-t-elle. Par contre, s’il reçoit une série de commentaires qui critiquent sa façon de s’exprimer, ça peut devenir inutilement blessant. »
Jean Pierre Blondin convient que le sous-comité a une tâche d’envergure et que la définition des règles sera complexe. Toutefois, il assure que ce travail devrait aboutir assez rapidement et que ces nouvelles méthodes verront le jour dans les prochains mois.