Édito : Le choc des visions

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Par Vincent Allaire
mardi 20 mars 2012
Édito : Le choc des visions

Un ancien journaliste du Quartier Libre, Philippe Teisceira-Lessard, a sorti la nouvelle dans La Presse du 14 mars dernier : l’UdeM arrive au premier rang des universités québécoises pour les dépenses en publicité. En 2009- 2010, l’Université a dépensé 3,9 millions $. Il faut dire que l’UdeM et ses écoles affiliées accueillent la plus grande cohorte d’étudiants au Québec. Son budget en 2009-2010 s’élevait à 639 millions $. Les publicités représentent donc 0,61 % de son budget

Les leaders étudiants ont dénoncé la mauvaise gestion des universités. La porte-parole de l’UdeM a rétorqué que ces dépenses de publicité sont minimes en comparaison de son budget.

Mais selon Michel Seymour, professeur de philosophie à l’UdeM, ces coûts représentent un problème beaucoup plus fondamental. Il était à l’UQAM le 16 mars dernier lors d’un forum à propos du droit à l’éducation. Dans son allocution, M. Seymour a tenté de démontrer que les universités se transforment de plus en plus en entreprises privées. Il mentionne notamment l’exemple des dépenses de publicité pour appuyer ses propos, expliquant que les universités tentent de s’arracher entre elles la « clientèle » étudiante. Les étudiants sont vus comme des « consommateurs en poursuite de leurs intérêts de carrière personnels ». Selon lui, cette conception n’est pas compatible avec des universités qui devraient incarner le principe de l’égalité des chances du philosophe américain John Rawls.

Le constat de M. Seymour selon lequel les universités tendent à se transformer en entreprises privées est confirmée par le discours de ceux qui défendent une hausse des frais de scolarité. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, expliquait pendant un débat à l’Assemblée nationale en février dernier que l’éducation universitaire était « un bon investissement ». C’est aussi le point de vue défendu par l’ex-recteur de l’UdeM, Robert Lacroix, dans un rapport qu’il a coécrit en 2007 pour le compte du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

D’entrée de jeu, il reconnaît que « l’argument voulant que le Québec n’ait pas les moyens du gel des frais de scolarité […] n’est pas crédible ». Par contre, il affirme qu’un diplôme universitaire est « un investissement à haut rendement dont le premier bénéficiaire est le diplômé ». Il poursuit en disant que « les droits de scolarité sont, comme tout autre prix d’un service, le meilleur régulateur des décisions prises autant par les demandeurs d’éducation que sont les étudiants que par les offreurs d’éducation que sont les universités ». Bref, selon cette vision, l’éducation doit être soumise aux mêmes lois du marché que tout autre produit de consommation.

Les étudiants en grève défendent donc une autre vision de l’éducation universitaire que celle préconisée par le gouvernement libéral.

D’ailleurs, les étudiants de l’UdeM battent des records de mobilisation ces jours-ci : plus de 19 600 étudiants de 60 associations sont en grève cette semaine. Pour la manifestation du 22 mars, ils seront plus de 24 000 en grève provenant de 70 associations dont celles de médecine, de droit et des sciences infirmières, qui sont traditionnellement plus frileuses. En 2005, seulement une trentaine d’associations étaient en grève générale illimitée.

Du côté de la Polytechnique, 1800 étudiants tombent en grève à compter d’aujourd’hui. C’est la deuxième grève de l’histoire de l’École. La première a eu lieu en 2005. Les étudiants de HEC Montréal n’ont par contre pas voté de levée de cours le 22 mars. Ils avaient pourtant participé à la manifestation nationale en 200

Les étudiants battent aussi des records dans l’ensemble du Québec. Le 22 mars, plus de 260 000 d’entre eux seront en grève, soit plus de la moitié des 463 000 étudiants, cégépiens et universitaires réunis. En 2005, « seulement » 230 000 étudiants avaient débrayé pour la manifestation nationale.

Devant cette mobilisation, la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, refuse encore et toujours toute négociation avec les étudiants.

Que se passera-t-il alors après la manifestation du 22 mars qui s’annonce historique, mais qui sera supposément l’apogée du mouvement de grève étudiante?