Édito : Le mépris

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Par Vincent Allaire
mardi 6 mars 2012
Édito : Le mépris

Même ceux qui défendent la hausse des frais de scolarité de 1625 $ sur cinq ans le disent, il faudrait investir davantage dans les prêts et bourses. C’est ce que rapporte notre journaliste qui a assisté au débat sur la hausse des frais de scolarité qui a eu lieu la semaine dernière à HEC Montréal (p. 9).

Pourtant, la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, se gargarise de la bonification du programme de prêts et bourses depuis le dépôt du budget au printemps dernier. Sur son site d’information, elle explique dans une vidéo que ceux qui ont déjà accès à une bourse recevront entière compensation pour la hausse. Elle prétend aussi que 118 millions de dollars de plus seront investis dans l’aide financière d’ici 2016-2017.

Le problème, selon la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), c’est que le gouvernement utilise la quasi-totalité de l’argent des étudiants – soit 116 millions de dollars – pour financer l’amélioration de l’aide financière aux études (AFE). C’est sans mentionner que le programme des prêts et bourses n’alloue que sept dollars par jour à la nourriture et ne prévoit ni mécanisme d’indexation au coût de la vie, ni les frais d’abonnement Internet.

Le nœud du problème? Le désinvestissement du gouvernement du financement des universités et de l’aide financière. Cette année, le gouvernement du Québec contribue à la hauteur de 54% au budget des universités. Après cinq ans de hausse, cette contribution chutera à 51,4%. C’est inacceptable et, en outre, incompatible avec le discours proéducation du gouvernement actuel.

Le gouvernement doit au moins maintenir son engagement financier. Selon mes calculs, le gouvernement du Québec devrait injecter, à l’horizon 2016-2017, environ 260 millions de dollars supplémentaires par année dans le financement des universités. Cela ramènerait à 54 % sa contribution et lui permettrait de dégager la marge de manœuvre nécessaire pour investir de manière substantielle dans l’AFE et les universités.

La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, répète pourtant ad nauseam que la hausse des frais de scolarité est non négociable.

Serait-elle prête à discuter d’une hausse de l’AFE ? Lundi dernier, son attachée de presse répétait encore que la ministre ne participera à aucune négociation, quelle qu’elle soit, avec le mouvement étudiant.

Cette attitude désolante contribue à l’amplification du mouvement de grève actuel. Le chroniqueur politique Gilbert Lavoie éclairait la position de la ministre dans un article du Soleil du 1er mars dernier. Il écrit : « La ministre Line Beauchamp est “sous haute surveillance” de la part de ses collègues qui ne vhttps://quartierlibre.ca/wp-admin/post.php?post=11960&action=edit&message=1eulent pas voir le moindre indice de recul dans ses propos, rapporte une source fiable au sein du gouvernement. » Pire : « [Le Parti libéral] est convaincu qu’un compromis sur les droits de scolarité serait perçu comme un signe de faiblesse, alors que la population s’attend d’un gouvernement “qu’il soit capable de tenir tête à une forme de corporatisme”». Finalement : «La possibilité d’une longue grève généralisée des étudiants n’inquiète pas outre mesure les libéraux parce qu’ils n’y croient pas.» La position bornée de la ministre Beauchamp découle donc d’un mépris des étudiants qu’elle ne considère pas comme des interlocuteurs crédibles.

Dans ce cas, les étudiants n’ont qu’un recours pour forcer le dialogue : une grève générale assez longue pour ébranler la stratégie de non-négociation du gouvernement. C’est à ce prix qu’ils obtiendront de la ministre Beauchamp le gel de la hausse ou, du moins, un investissement compensatoire de la part du gouvernement dans les universités.