Édito de Pauline Marois – Une place à prendre

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Par Pauline Marois
mercredi 26 novembre 2014
Édito de Pauline Marois - Une place à prendre
Pauline Marois a été la première femme à occuper le poste de Premier ministre du Québec.
Crédit photo : Pascal Dumont
Pauline Marois a été la première femme à occuper le poste de Premier ministre du Québec.
Crédit photo : Pascal Dumont

La forte présence des femmes à l’université de même que dans tous les secteurs et à tous les échelons de notre société s’avère bien plus qu’un indice de progrès : elle en est une condition.

Si les étudiantes n’ont jamais été si nombreuses sur les campus, il importe de rappeler que la présence des femmes au sein de nos institutions d’enseignement supérieur demeure relativement récente. C’est une place prise parfois à l’encontre des institutions elles-mêmes, dont les valeurs reflétaient leur époque.

En 1903, Irma Levasseur devint la première femme médecin du Québec. Il aura fallu un projet de loi privé voté par l’Assemblée nationale pour lui accorder le droit de pratiquer la médecine. Le Dre Levasseur deviendra l’une des fondatrices de l’Hôpital Sainte-Justine.

En 1941, soit une année après l’obtention du droit de vote, les femmes sont finalement admises au Barreau. Un an plus tard, Elizabeth C. Monk diplômée de l’Université McGill et Suzanne R. Fillion diplômée de l’Université de Montréal, deviennent les deux premières femmes à figurer au tableau de l’Ordre du barreau québécois.

Il faudra cependant attendre plus de vingt ans pour voir Marie-Claire Kirkland-Casgrain devenir la première députée, puis la première à accéder au Conseil des ministres. Madame Kirkland-Casgrain fera adopter un projet de loi permettant aux femmes mariées d’exercer des actes juridiques sans le consentement de leur mari. C’était en 1964.

L’université a été déterminante pour ces femmes. À l’inverse, le milieu universitaire a évolué à leur contact et le Québec a grandi à chaque pas franchi vers l’égalité. Il en va de nos institutions comme de la société.

Nous devons nous souvenir de nos pionnières, de ce qui leur a fallu de détermination, de courage et de conviction pour combattre les injustices et faire avancer la cause des femmes. Comme nous ne devons jamais oublier les 14 victimes de Polytechnique qui nous rappellent combien les acquis peuvent être fragiles.

L’égalité entre les hommes et les femmes constitue l’un des fondements de notre nation. Le 6 décembre 1989, le Québec a été blessé au cœur de ce qu’il a de plus précieux, dans un lieu qui incarne le savoir, le progrès, la justice et la paix. Devant l’horreur, nous étions stupéfaits, voire incrédules. Malgré l’évidence, nous nous disions « Pas ici… pas chez-nous ».

Depuis cette tragédie, le Québec a poursuivi sa marche vers l’égalité. Pourtant, la violence faite aux femmes et les inégalités persistent. Elles changent et revêtent différemment des visages plus acceptables. Face à cela, nous devons maintenir une vigilance de tous les instants.

À cet égard, nos institutions d’enseignement supérieur exercent un rôle capital. C’est sur les campus qu’on dessine le Québec de demain, qu’on en défini les valeurs. En matière de lutte à la violence et aux inégalités, nos universités ont le devoir d’être exemplaires et d’ouvrir la voie vers un Québec plus juste.

Nous voulons que la place des femmes soit celle qu’elles choisiront d’occuper librement, en fonction de leurs rêves et de leurs ambitions. Comme l’ont réussi Irma Levasseur, Elizabeth C. Monk, Suzanne R. Fillion, Marie-Claire Kirkland-Casgrain et les 14 victimes du 6 décembre.