D’après une étude de l’Office québécois de la langue française (OQLF) parut en septembre 2011, les francophones ne constitueront que 40 % de la population à Montréal en 2031, alors qu’ils en représentent maintenant 52 %. Dans cette éventualité, le geste d’écrire en français est-il plus que jamais un geste politique ? Trois écrivains répondent à Quartier Libre.
«On est des résistants par la force des choses. Ça fait trois siècles qu’on résiste. Mais je ne crois pas que l’écrivain qui s’assoit pour écrire va dire : “je vais poser un geste de résistance”. »
«L’histoire des grandes cultures et des grandes langues a toujours été portée par des gestes culturels. L’un des gestes les plus importants, c’est le livre, la littérature. »
«Le livre, c’est le principal véhicule de l’évolution de la langue et en ce sens là, on peut dire qu’il y a là une dimension politique. »
Normand de Bellefeuille n’est pas d’accord avec l’opinion de l’écrivain français Philippe Sollers selon laquelle toute écriture est politique qu’on le veuille ou non. Pour lui, c’est un geste à la limite banal. Autrefois, c’était l’élite qui écrivait et maintenant tout le monde écrit, précise-t-il. Selon lui, c’est plutôt le risque que prennent les petites maisons d’édition de publier avec courage de
«On ne contrôle pas la destinée d’une langue. J’ai choisi d’écrire en français parce que je crois en cette langue et que je crois en sa possibilité de se renouveler, de s’inventer, de pouvoir toujours aller plus loin dans l’indicible. »
«Je ne suis pas un vendeur d’idées. Je suis quelqu’un qui propose. Les certitudes me font chier, c’est un arrêt de la pensée. Je préfère aller dans l’incertitude et le questionnement. »
«La politique, c’est comme le sucre, on peut en mettre partout et on le goûte presque plus. »
Auteur de la jeune génération d’écrivains québécois, Jean- Simon Desrochers croît que le français n’est pas menacé. Écrire en français est un geste normal et non politique. Toutefois, il note que dans son roman La canicule des pauvres, il a choisi de décrire une période de grande chaleur parce qu’il est écologiste. Il refuse l’engagement politique dans son écriture proclamant ainsi sa pleine liberté. Il préfère une posture philosophique dans son travail d’écrivain.
«Une culture ne peut pas se maintenir si l’écrit n’existe pas. Actuellement, on a tendance à sous-estimer le livre dans la diffusion de la culture pour valoriser beaucoup les médias électroniques. […] La littérature est en train de se marginaliser. L’écrivain a moins de poids qu’il en avait. Dans les journaux, on remarque que le livre prend moins de place. »
« Je ne serais pas capable d’écrire dans une autre langue. Elle me permet d’aller jusqu’au fond de ma pensée. Je ne veux pas être alarmiste, mais je suis consciente que dans trois ou quatre générations, le français peut être une langue du passé. »
«Mon écriture était de développer une écriture de la subjectivité féminine. Je me disais femme et Québécoise. Ça n’a jamais été séparé. »
Louise Dupré observe l’anglicisation dans son quartier et s’inquiète pour l’avenir du français. Pour elle, écrire est un geste éminemment politique. Dans son écriture, elle s’affirme en tant que féministe et Québécoise, sans toutefois se définir comme une auteure nationaliste à la «Gaston Miron». De plus, elle affirme qu’une culture ne peut se maintenir sans l’écrit. Autre élément inquiétant, selon elle, la littérature d’ici et d’ailleurs se marginalise dans les médias. On accorde de moins en moins de place au livre dans les journaux, par exemple. L’écrivain n’a plus le poids qu’il avait il y a 30 ans.
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L’OQLf effectue des suivis démolinguistiques du français au Québec depuis 2002. L’article 160 de la Charte
de la langue française précise que désormais l’oQLf doit surveiller l’évolution de la langue française au Québec. L’organisme présente tous les cinq ans un rapport ayant trait notamment à l’usage et au statut de la langue française ainsi qu’aux comportements et aux attitudes des différents groupes linguistiques.
La Situation démolinguistique actuelle:
Au Québec, les francophones sont majoritaires formant 82 % de la population
À Montréal, les francophones constituent 52 % de la population