Économie et genres

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Par Charles Lerhe
mercredi 13 décembre 2017
Économie et genres
Marie-Thérèse Chicha s'intéresse aux questions économiques reliées aux femmes, notamment immigrantes. (Crédit photo : Courtoisie Marie-Thérèse Chicha)
Marie-Thérèse Chicha s'intéresse aux questions économiques reliées aux femmes, notamment immigrantes. (Crédit photo : Courtoisie Marie-Thérèse Chicha)
Des inégalités persistent en ce qui a trait à l’intégration des femmes sur le marché du travail, particulièrement les immigrantes. La professeure titulaire à l’École de relations industrielles de l’UdeM Marie-Thérèse Chicha se spécialise dans ce domaine et met de l’avant les questions relatives au genre dans le domaine de l’économie.

Quartier Libre : Quelles sont les incidences des études de genre sur la société ?

Marie-Thérèse Chicha : Les études de genre permettent de mieux articuler ces enjeux. Il faut les vulgariser pour que ces études soient accessibles à toutes et à tous. J’ai parfois l’impression que les questions économiques sont reléguées au second plan et je crois qu’il faut les remettre à l’avant. La porte d’entrée des questions économiques est parfois rebutante pour certaines personnes, même si cela reste une question très importante.

Q. L. : Les études de genre sont-elles ancrées dans les enjeux auxquels font face les femmes en milieu universitaire ?

M.-T. C. : Je ne peux pas dissocier les recherches que je fais et l’implication des personnes qui font l’objet de mes recherches. Si nous avons des études féministes, il faut se pencher également sur des problématiques d’intégration au travail et d’équités salariales, notamment pour les femmes immigrantes.

Q. L. : Quelle est l’importance de prendre en compte l’inégalité économique des femmes ?

M.-T. C. : C’est une dimension centrale, car les femmes, en accédant au marché du travail, possèdent une autonomie économique, ce qui rend possible une amélioration de leur situation. Cela leur permet, entre autres, de faire des choix qui ne sont pas contraints par des besoins économiques non satisfaits.

Q. L. : Quel moyen concret pourrait-on utiliser pour améliorer leur situation sur le plan économique ?

M.-T. C. : La loi sur l’équité salariale a permis beaucoup d’avancements et a également valorisé le travail des femmes. Si l’on prend par exemple les responsables des CPE [Centre de la petite enfance] ou les infirmières, on a toujours l’impression que ce sont des emplois faits pour les femmes, mais le travail est beaucoup plus complexe que ça. La lutte contre la discrimination à l’emploi est une question très importante. Les cadres sont souvent réticents à embaucher des femmes, car elles pourraient tomber enceintes.

Q. L. : Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

M.-T. C. : Je m’intéresse particulièrement aux immigrants qui sont dans des situations précaires, mais plus spécialement aux femmes immigrantes. Elles sont surreprésentées dans des emplois où elles sont souvent surqualifiées*. Habituellement, lorsqu’une famille arrive, c’est la femme qui va travailler pour subvenir aux besoins de son mari et de ses enfants, et trouver un emploi au bas de l’échelle. Une fois qu’elle est entrée dans cette voie, c’est plus difficile d’en sortir, alors que l’homme, lui, va souvent prendre le temps de postuler et de trouver un emploi dans son domaine.

Q. L. : Croyez-vous que les études de genre sont appelées à prendre de plus en plus d’importance ?

M.-T. C. : Ces études sont essentielles, mais elles doivent être transversales. La condition économique des femmes doit être intégrée en analysant les hommes et les femmes de façon distincte pour arriver à des conclusions plus justes.

* Rapport de recherche, « Le mirage de l’égalité : les immigrées hautement qualifiées à Montréal », paru en septembre 2009.