Écolo…gît au placard ?

icone Societe
Par Anastassia Depauld
mercredi 22 avril 2015
Écolo...gît au placard ?
La Marche action climat qui s’est arrêtée devant l’Assemblée nationale à Québec a réuni les étudiants, les groupes environnementaux, les syndicats et les Premières Nations autour de la lutte contre les changements climatiques.
La Marche action climat qui s’est arrêtée devant l’Assemblée nationale à Québec a réuni les étudiants, les groupes environnementaux, les syndicats et les Premières Nations autour de la lutte contre les changements climatiques.
Le 11 avril dernier, dans le cadre de la Marche action climat, plus de 25 000 manifestants se sont rassemblés à Québec. Ils désiraient attirer l’attention sur les risques liés à la croissance des émissions de gaz à effet de serre. L’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ) porte elle aussi ce message écologique. Mais à travers les revendications contre l’austérité, le discours environnemental parvient-il au public ?
« La façon de consommer et d’agir, ça ne changera pas chez les personnes plus âgées. Les jeunes, eux, sont nos futurs décideurs. »
Richard Leclerc, Chargé de cours au Département de communication

« On est clairement positionnés contre les hydrocarbures, et contre toute cette économie pétrolière qui n’est absolument pas durable et qui est condamnée à l’échec dans les prochaines années », explique la secrétaire aux communications par intérim de l’ASSÉ et étudiante en bioécologie au Cégep de Saint-Laurent, Andra Florea.

L’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbridge, l’exploitation du pétrole sur l’île d’Anticosti et la création de l’oléoduc Énergie Est de TransCanada sont autant de projets impliquant le pétrole qui se trament actuellement au Québec.

Cette situation amène plusieurs étudiants à se mobiliser, si bien qu’au début de la session d’hiver, certains d’entre eux ont mis sur pied le Collectif de lutte écologiste étudiante (CLEE). « On a créé ce groupe pour se renseigner sur les gros projets industriels des hydrocarbures, pour enseigner autour de nous et pour créer des liens entre les associations et les personnes qui luttent dans le même sens », souligne l’étudiante à la maîtrise en philosophie Claire Borrelli qui est une membre fondatrice du CLEE. Selon elle, les conséquences de l’austérité sont visibles immédiatement, car elles passent entre autres par les coupes de salaires. Ce ne serait pas le cas des conséquences écologiques qui prennent plus de temps à se manifester. Le CLEE est le seul groupe d’intérêt étudiant consacré à la lutte écologique qui est accessible à tous les étudiants.

« Je suis contre les hydrocarbures parce qu’il y a beaucoup de risques, mais ce n’est pas évident d’y renoncer, car c’est renoncer à des emplois qui vont se créer rapidement, expose l’étudiant au baccalauréat en géographie Rayan El Ghoneimi. Par contre, ça crée des emplois beaucoup moins durables que dans les secteurs des énergies renouvelables. » Selon lui, l’exploitation du pétrole ne mène pas à une économie viable puisque les réserves s’épuiseront, ce qui n’est pas le cas des énergies renouvelables.

Lutte oubliée ?

Selon le chargé de cours au Département de communication Richard Leclerc, le manque de précision des revendications du mouvement pourrait lui nuire.« En 2012, une idée se démarquait des autres, ce qui faisait consensus social, explique-t-il. Aujourd’hui, la population ne comprend pas les revendications. Il n’y a pas non plus de leaders comme il y a trois ans. »

Communiquer la cohérence qui existe entre les revendications pourrait contribuer à faire parler davantage des revendications environnementales, selon le professeur au Départe­ment de philosophie Christian Nadeau. « Il faut croire que dans la population, la relation entre environnement et austérité n’est pas encore très claire, pense-t-il. On voit souvent dans l’exploitation des ressources naturelles un moyen d’augmenter la richesse afin de développer des programmes sociaux. »

Le professeur estime qu’il faut également distinguer ce qui relève de la volonté du mouvement étudiant et ce que les médias ont décidé de retenir. « Les médias s’intéressent peu aux enjeux de fond », juge M. Nadeau.

Selon Andra Florea, il est évident que le pan écologique de la lutte est mis de côté par les médias. « On parle surtout d’austérité ces derniers temps et on oublie les hydrocarbures », constate-t-elle.

L’avenir chez les étudiants

Rayan estime que ce n’est pas aux étudiants de s’investir dans cette lutte, qui pourrait mieux être portée par des associations spécialisées dans le secteur. « Ça semble déjà très dur pour l’ASSÉ de se faire entendre sur l’austérité, ça doit l’être encore plus sur la lutte écologique », pense l’étudiant.

Pour Andra Florea, au contraire, c’est aux étudiants de se mobiliser contre les hydrocarbures, car ils représentent le futur. « On doit vraiment se sentir concernés par l’environnement si on veut perdurer en tant qu’humanité », confie-t-elle.

M. Leclerc estime également que les jeunes sont les mieux placés pour parler d’écologie.« La façon de consommer et d’agir, ça ne changera pas chez les personnes plus âgées, affirme-t-il. Les jeunes, eux, sont nos futurs décideurs. » Pour lui, si les jeunes sont bien placés pour mener cette lutte, leur méthode pour porter le message aurait toutefois intérêt à être précisée.