Un sang d’encre

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Par Patrick MacIntyre
mercredi 14 janvier 2015
Un sang d’encre
Photo prise lors du rassemblement qui a eu lieu à Montréal le mercredi 7 janvier en hommage aux victimes de l'attentat. Crédit photo: Elie Babin
Photo prise lors du rassemblement qui a eu lieu à Montréal le mercredi 7 janvier en hommage aux victimes de l'attentat. Crédit photo: Elie Babin
Des balles contre des bulles. Le mercredi 7 janvier 2015, c’est l’impensable qui s’est produit dans le 11ème arrondissement de Paris, au sein-même des locaux de Charlie Hebdo. Se voulant très irrévérencieux, voire « irresponsable », tel que mentionné chaque semaine sur sa couverture, le journal satirique français scandalise, séduit, provoque l’ire ou l’hilarité, bref, ne laisse personne indifférent.
Le mandat de Quartier Libre consiste à traiter de tous les sujets relatifs à la communauté étudiante de l’Université, en toute objectivité, ce qui n’implique aucune dimension satirique, mais ce qui suppose que nous puissions couvrir ces sujets de façon libre.

Mais peu importe ce que chacun peut bien penser des caricatures toujours plus osées de l’hebdomadaire. Peu importe les opinions politiques, et les susceptibilités des uns et des autres. Peu importe que vous ayez un sens de l’humour plutôt au ras des pâquerettes, ou au contraire, que le sarcasme et l’absurde vous fassent hurler de rire. Peu importe également, si malgré votre habileté à ne rien prendre au premier degré dans la vie, les dessins de Charlie Hebdo ne vous font tout simplement pas esquisser le moindre sourire. Et enfin, cela ne change pas grand chose si vous n’avez jamais entendu parler de ce journal avant de voir des milliers de personnes arborer les quelques mots : « JE SUIS CHARLIE », dans les rues de Montréal.

Le mercredi 7 janvier 2015, des hommes ont été tués parce qu’ils dessinaient dans un journal. Ils ont été la cible d’un attentat parce qu’ils défendaient la liberté de s’exprimer. Parce qu’ils étaient, en somme, des hommes libres. Libres de se moquer du Président de la République française, François Hollande, et de sa faible cote de popularité, tout à fait libres également de représenter le pape François en tenue légère et à plumes à Rio, clamant : « Prêt à tout pour racoler des clients ! »

En novembre 2011 déjà, les locaux de Charlie Hebdo étaient incendiés, à la suite de l’annonce d’un numéro à paraître intitulé « Charia Hebdo », faisant du prophète Mahomet le rédacteur en chef de cette édition spéciale, en écho à la victoire du parti islamiste Ennahdha aux élections tunisiennes. Le journal n’a pourtant jamais cessé de croire qu’il pouvait parler et rire de tout, proposant sarcastiquement à ses lecteurs une double une l’année suivante : la première, dans l’esprit usuel de l’hebdomadaire, représentait un homme préhistorique inventant l’humour en mettant de l’huile sur le feu, tandis que la deuxième, « responsable », était une page blanche intitulée : « Fini de rire ».

Dans un tel contexte, où l’une des valeurs fondamentales de nos démocraties est ainsi attaquée, risquant de créer un climat de peur auprès de ceux qui voudraient se démarquer dans la profession et notamment des journalistes d’opinion qui bousculent la pensée unique, Quartier Libre, en tant que journal indépendant des étudiants de l’Université de Montréal, doit à mon sens continuer plus que jamais à revendiquer sa liberté rédactionnelle.

Le mandat de Quartier Libre consiste à traiter de tous les sujets relatifs à la communauté étudiante de l’Université, en toute objectivité, ce qui n’implique aucune dimension satirique, mais ce qui suppose que nous puissions couvrir ces sujets de façon libre, sans entrave. De cette manière, votre journal continuera, en toute indépendance, à vous informer sur le temps que mettra l’Université à installer ses compteurs d’eau, sur les ascenseurs défaillants qui effraient plus d’un étudiant, et sur la façon dont se finance l’équipe de ski des Carabins .

Pour que les dessinateurs et journalistes de Charlie Hebdo : Charb, Tignous, Cabu, Wolinski, Honoré, Elsa Cayat, Bernard Maris et tous ceux qui ont été tués au cours de cet attentat ne soient pas morts pour rien, il est plus que jamais essentiel de revendiquer et de défendre notre liberté de presse, qui coïncide avec le droit de tous les citoyens à une information non biaisée et éclairée. La liberté d’expression n’est pas qu’une liberté, elle est notre devoir.