Volume 28

Totem urbain / Histoire en dentelles, Pierre Granche, 1992. Œuvre située au Musée McCord. Photo : Paul Fontaine.

[Dossier logement] Des solutions à la crise

L’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) est un organisme à but non lucratif (OBNL) qui construit et gère des logements étudiants. « Nous voulons non seulement trouver une solution maintenant au manque de logements, mais surtout doter Montréal et le Québec en entier d’une capacité d’accueil pour les générations futures », souligne le cofondateur et directeur général de l’UTILE, Laurent Levesque.

Au cœur de sa démarche se trouve, selon lui, le désir de mener des projets exemplaires. Il souhaite que les logements de l’UTILE soient des milieux de vie communautaires, écoresponsables, durables et situés à proximité des services de transport ; mais surtout et avant tout, ces milieux de vie se veulent abordables.

Le modèle d’affaires prôné par M. Levesque, soit le but non lucratif, lui semble tout désigné pour répondre à la crise du logement. « Pour nous, l’objectif n’est pas de faire un profit sur la population étudiante, explique-t-il. Notre objectif est de construire des logements de qualité accessibles à ceux issus de la classe moyenne et aux étudiants de première génération. »

Un lieu communautaire

« Je pense qu’il faut réfléchir au logement comme à une façon de vivre ensemble, plutôt que comme à une cellule efficace où on va seulement dormir », estime la professeure à l’École d’architecture de l’UdeM Anne Cormier. « Le logement étudiant doit être un lieu que plusieurs étudiants peuvent s’approprier en faisant, par exemple, la cuisine ensemble ou en ayant accès à des espaces extérieurs communs », poursuit-t-elle.

La Note des bois, premier projet immobilier de l’UTILE. Photo : Paul Fontaine.

À ce titre, le premier projet immobilier de l’UTILE, nommé la Note des bois et inauguré en septembre 2020, semble correspondre à ce que décrit la professeure. Situé en face du parc La Fontaine, cet immeuble abrite près de 140 étudiants et étudiantes de l’Université Concordia et de l’Université McGill. « Il y a une solidarité qui lie tous les locataires, témoigne l’étudiante à la mineure en histoire à l’Université Concordia Maya Gurler. Nous sommes une petite communauté et nous nous entraidons beaucoup. »

Les locataires de la Note des bois sont membres de la Coopérative de solidarité. Cet organisme coordonne plusieurs évènements comme des grillades estivales, mais s’assure aussi que les gestionnaires de l’immeuble écoutent ses membres. « Puisque nous sommes une coop, c’est beaucoup plus facile pour les locataires de se rassembler et de prendre des décisions », indique l’étudiant au baccalauréat en science politique à l’Université Concordia Noah Martin. Celui qui est également membre du conseil de la Coopérative précise que les relations avec les gestionnaires sont également plus simples que si chaque locataire se représentait seul.

La lente édification

En 2017, l’UTILE recensait dans son enquête PHARE 2017 quelques 220 000 locataires universitaires au Québec, dont un peu plus de 100 000 à Montréal. M. Levesque espère en loger 1 500 d’ici 2025, un objectif qu’il qualifie d’ambitieux et réaliste. Un second projet est déjà en cours au cœur de l’écoquartier Technopôle Angus et permettra à terme d’accueillir environ 160 étudiants et étudiantes. D’autres projets, encore à l’étude, pourraient voir le jour à Montréal, mais également à Québec et à Trois-Rivières.

Malgré la multiplication des projets, M. Levesque déplore les délais auxquels fait face l’UTILE. L’accès aux terrains ainsi que l’attente pour la délivrance de permis de construction ralentissent la mise sur pied d’une solution à la crise du logement. « Ça fait des décennies qu’on ne construit virtuellement pas de résidences, sauf pour quelques projets à but lucratif très dispendieux au centre-ville, regrette l’entrepreneur. Pourtant, pendant ce temps-là, la population étudiante continue d’augmenter et les logements continuent d’être moins abordables. On est dans une impasse si on n’augmente pas l’offre. »

Le directeur général de l’organisme voit donc d’un bon œil l’engagement de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, de construire 2 000 logements étudiants. « C’est une reconnaissance du fait que si on veut apaiser la pression qu’exerce la population étudiante sur le marché locatif et sa précarité, laquelle résulte de la crise du logement actuelle, on peut faire d’une pierre deux coups en construisant des logements étudiants », souligne-t-il.

Être en colocation avec un aîné

Les projets immobiliers comme celui de l’UTILE ne sont pas les seuls à pouvoir répondre aux besoins des étudiants et étudiantes en matière de logement. La cohabitation intergénérationnelle, très populaire outre-Atlantique, consiste à réunir sous un même toit des personnes jeunes et âgées. À Montréal, cette idée fait son petit bout de chemin et, depuis 2017, l’organisme Combo 2 générations offre un service de jumelage.

Au cours d’une conversation téléphonique, la cofondatrice de Combo 2 générations, Denise Tessier Trudeau, explique que cette formule profite autant aux étudiantes et étudiants logés qu’aux personnes aînées qui les accueillent. Cette situation permet non seulement d’alléger la facture des deux parties, mais également de créer un lien d’attachement entre les colocataires.

À l’échelle humaine

Isabelle Cazes et Denise Tessier Trudeau, cofondatrices de Combo 2 générations. Photo : Courtoisie Combo 2 générations.

Selon Mme Tessier Trudeau, l’approche qu’adopte Combo 2 générations favorise des jumelages réussis. D’abord, elle rencontre personnellement les personnes aînées qui désirent accueillir un étudiant ou une étudiante. Ce rendez-vous lui permet d’évaluer si le milieu de vie dans lequel évoluera la ou le futur locataire est propice au succès de ses études.

En contrepartie, tous ceux et celles qui souhaitent être jumelés à une personne âgée se prêtent à un examen de leurs antécédents judiciaires. « Nous les rencontrons tous un par un, précise Mme Tessier Trudeau. Nous avons une entente avec les services de police pour nous assurer que nous ne courons aucun risque. »

Enfin, Mme Tessier Trudeau tient compte des traits de personnalité de chaque candidat et candidate pour s’assurer qu’il ou elle saura cohabiter avec la personne qui le ou la loge. « Nous organisons une rencontre entre les deux avant [d’officialiser le jumelage] pour nous assurer qu’ils s’entendront bien », poursuit-elle.

Des obstacles de taille

Depuis 2017, Combo 2 générations a pu réaliser cinq jumelages, une réussite, selon sa cofondatrice. « Nous avons formé des jumelages qui ont très bien fonctionné, se réjouit-elle. Mais il faut être sélectif. » Tous les critères de sélection représentent des embûches que l’organisme peine parfois à surmonter.

Évidemment, la pandémie de COVID-19 a mis un frein au projet en 2020. « Pendant la pandémie, il n’était pas question d’envoyer des étudiants chez des aînés, déclare Mme Tessier Trudeau. Ça nous a beaucoup retardés. »

L’enjeu de la mobilité est également à l’origine de nombreux jumelages avortés. Plusieurs personnes aînées demeurent dans des quartiers résidentiels éloignés des universités et des stations de métro. « Nous avons des aînés qui attendent [d’être jumelés], mais ils demeurent très loin des écoles, précise la cofondatrice. Le transport en commun jusqu’à l’Université de Montréal, ce n’est pas toujours facile. »

Malgré tout, plusieurs étudiantes et étudiants font la file pour être jumelés. « Des étudiants, j’en ai constamment qui s’inscrivent, affirme avec joie Mme Tessier Trudeau. Ce sont de très beaux profils et nous sommes très contents de ceux et celles qui, à date, se sont inscrits. »

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