Doctorat ou non?

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Par Dusan Damnjanovic
mercredi 26 novembre 2014
Doctorat ou non?
À l’UdeM, le Centre étudiant de soutien à la réussite reçoit régulièrement des étudiantes qui hésitent à faire un doctorat, parfois parce qu’elles craignent une difficile conciliation entre leur vie de famille et le travail.
Crédit photo : Isabelle Bergeron
À l’UdeM, le Centre étudiant de soutien à la réussite reçoit régulièrement des étudiantes qui hésitent à faire un doctorat, parfois parce qu’elles craignent une difficile conciliation entre leur vie de famille et le travail.
Crédit photo : Isabelle Bergeron
À l’UdeM, la proportion de femmes étudiant au doctorat est plus faible que celle de femmes étudiant au baccalauréat. Selon les statistiques officielles d’inscription de 2013 de l’UdeM, les femmes représentent 67,7 % des effectifs au premier cycle alors qu’elles représentent 53,8 % de ceux-ci au doctorat. Comment peut-on expliquer cette diminution de fréquentation ?

Souvent, des étudiantes doivent faire le choix de concilier leurs études et leur vie de famille, ou de repousser leur projet de maternité. Entreprendre ou non un doctorat peut donc représenter un dilemme pour certaines d’entre elles. La doctorante professionnelle en pharmacie Élisabeth Provost-Bazinet a elle-même longtemps hésité avant de se lancer dans son doctorat. « Je peux étudier jusqu’à 30 ans, mais une femme n’est plus aussi fertile par la suite, donc j’ai peur d’avoir de la difficulté à avoir des enfants après mes études », explique-t-elle.

Pour celles qui choisissent de concilier la maternité et le doctorat, cela demande énormément d’implication. « Il faut étudier un minimum de cinq heures tous les soirs, en plus des 30 heures de cours que nous avons chaque semaine, affirme Élisabeth. Il y a quelques femmes dans mon programme qui sont mères. Elles sont débordées et sont épuisées. Je n’envisage pas de fonder une famille pendant mes études. »

Le Centre étudiant de soutien à la réussite (CÉSAR) reçoit régulièrement des femmes qui hésitent à faire un doctorat. « Il est vrai que la conciliation études-travail, si on fait des études en plus d’élever des enfants, est tout un casse-tête, explique la coordonnatrice des services d’Orientation scolaire et professionnelle et d’Information scolaire et professionnelle France Dodier. Mais tout cela reste une hypothèse parmi d’autres. » Le manque de modèles féminins dans le corps professoral pourrait aussi expliquer que les étudiantes hésitent à aller vers une carrière universitaire.

D’autres facteurs de renoncement

L’aspect pécuniaire est également prépondérant dans le choix de la poursuite des études vers un doctorat. Toutefois ce facteur concerne autant les hommes que les femmes. « Ça devient trop long pour n’obtenir qu’un revenu qui sera inférieur à une technique collégiale, affirme l’étudiante en maîtrise en gestion à HEC, Marilyne Laroche. Le doctorat n’est pas professionnel, finir un doctorat à 35 ans sans revenus et sans sécurité d’emploi est difficile à imaginer pour moi. »

La peur de l’isolemenMise en page 1t peut être également une crainte pour de futures doctorantes qui souhaitent avoir du temps afin de planifier leur vie et de bâtir d’autres projets, sans que cela passe nécessairement par la maternité. « C’est une chose que je note, une fois au doctorat, il y a beaucoup d’isolement, peut-être parce que les étudiants sont en rédaction et que cela limite les contacts avec les autres collègues, et ça rend la chose encore plus difficile », explique Mme Dodier. La vie sociale qu’on a développée lors de ses études risque de s’effondrer à cause de la charge que représente un doctorat.

Selon Élisabeth, ce facteur est également important dans le choix des jeunes femmes, et l’a elle-même fait hésiter à poursuivre ses études. « Ce qui me faisait peur aussi, c’était de ne pas pouvoir concilier mes études avec une vie normale d’étudiante universitaire : visiter ma famille, avoir un amoureux, sortir avec mes amis, faire du sport », assure-t-elle.

La doctorante encourage finalement les étudiants à prioriser leurs objectifs en fonction de leurs valeurs et de penser à la vie qu’ils souhaitent vivre. « Un doctorat, c’est comme un enfant malade : on y consacre tout son temps, son énergie, ses jours et ses nuits, mais au final ça en vaut la peine parce qu’il nous tient à cœur », indique-t-elle. La réalisation d’un doctorat exige du courage, de la volonté et de la persévérance afin de mener à bien ce projet qui marquera à coup sûr une vie.