Do You Want To « Pogne » ?

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Par Etienne Galarneau
mercredi 18 septembre 2013
Do You Want To « Pogne » ?
Francis Mineau, s'est produit en français à l'étranger avec Malajube. (Crédit photo : Pascal Dumont)
Francis Mineau, s'est produit en français à l'étranger avec Malajube. (Crédit photo : Pascal Dumont)

Le festival POP Montréal célèbre sa douzième édition du 25 au 29 septembre avec un programme chargé en concerts et en conférences sur la musique. Le 27 septembre aura lieu une table ronde intitulée Une carrière internationale ? (En français) durant laquelle de nombreux invités viendront discuter stratégie pour les musiciens francophones qui souhaitent percer en dehors du Québec.

D’après Marion Gabbaï, agente auprès de la compagnie de production européenne Imperial Prod et panéliste lors de cette table ronde gratuite, ce sujet est bien actuel. « Il est très compliqué de percer dans les pays non francophones car la particularité des compositions en français est l’attention portée à la finesse du langage, dit-elle. C’est la poésie, l’histoire que ces groupes racontent en musique, qui est intéressante. »

Bien que la scène musicale internationale soit dominée par la langue anglaise, elle constate qu’une musique francophone peut tout de même trouver un public ouvert. Il faut par contre qu’elle soit bien insérée dans un réseau de diffusion. « Si la partie instrumentale du projet a assez d’impact et d’originalité, un public habitué à l’anglais peut passer outre la barrière de la langue et apprécier la musique sans comprendre forcément le sens des mots », assure la promotrice.

Tel fut le cas du groupe Malajube il a quelques années. « Je ne suis même pas sûr que les gens se rendaient compte qu’on chantait en français dans les bars où on jouait en Allemagne, indique le batteur de la formation et étudiant au baccalauréat en littératures de langue française à l’UdeM, Francis Mineau. On jouait relativement fort et la voix n’était pas toujours en avant-plan. » Il considère cependant que leur cas est plutôt marginal. « La compagnie qui nous a signés en Europe était basée à Berlin, son réseau était dans les centres germanophones, se souvient-il. On a été le premier groupe francophone qu’ils aient signé, et à ma connaissance, ils n’ont pas retenté l’expérience. »

Une machine bien huilée

Selon le chargé de cours du Département de musique de l’UQAM et diplômé de l’UdeM Danick Trottier, la prééminence historique de l’anglais dans le milieu de la musique pop nuit à l’avancement de groupes s’exécutant dans d’autres langues. « Ce n’est pas tant la langue utilisée qui pose problème, soutient-il. C’est plutôt la place que prend l’anglais au sein du marché. Ultimement, l’artiste doit travailler dans cette langue et se l’approprier pour être certain d’être évalué à sa juste valeur par tous. »

Cependant, Marion Gabbaï reste optimiste à ce sujet. « On ne peut pas nier qu’il y ait un vrai monopole de l’anglais et que l’utilisation de cette langue facilitera un développement international, dit-elle. Mais je pense que c’est l’originalité ou le potentiel accrocheur d’un morceau qui pourra ou non déclencher un succès. »

En ce sens, un artiste anglophone ou francophone peut être aussi facile à défendre auprès des promoteurs de spectacle et des maisons de disques. Elle considère qu’un groupe comme les Montréalais de Forêt, dont la boîte Imperial Prod promeut la musique en Europe, ne rencontre pas plus de difficultés à être diffusé que d’autres groupes indépendants anglophones. « Un tel projet n’est de prime abord pas facile à approcher par le grand public, indique Mme Gabbaï. Mais si la musique est à la hauteur de ce que le groupe souhaite raconter, le pari de l’artiste sera gagné, peu importe la langue. »

La voie alternative

Bien qu’il soit plus difficile de faire sa place à l’international sans passer par les maisons de production, il est encore possible de plaire à un public qui se situe à l’extérieur des frontières québécoises. Le groupe Jesuslesfilles, par exemple, a déjà fait des concerts aux États-Unis sans l’aide d’un réseau. « Là-bas, voir un groupe francophone est moins commun, indique le batteur de la formation et directeur musical de la radio étudiante CISM, Benoît Poirier. Par contre, dans des endroits comme New York, on sent une certaine francophilie. Il y a plein de commerces avec des noms français mal écrits, comme ‘‘Le Pâtisserie’’. »

Selon lui, on ne peut cependant pas y voir un réel engouement. « Il n’y a pas assez de groupes francophones qui jouent là-bas pour parler de nouveauté, croit-il.  On peut plutôt parler d’une curiosité. »

Peu importe la démarche utilisée, que ce soit par les réseaux des compagnies de disque ou par la promotion autonome, le réel enjeu pour un artiste francophone est d’abord et avant tout d’être entendu. « Le premier contact est fait par la musique, dit Francis Mineau. C’est la porte d’entrée pour que le public accepte la langue et s’intéresse à ce que tu fais» À partir de là, en français comme en d’autres langues, tout est possible. Il suffit de penser au chanteur sud-coréen PSY, qui l’an dernier a fait danser la planète entière sur une chanson dans sa langue maternelle.

Table ronde Une carrière internationale ? (en français), le 27 septembre, 14h45

3450, rue St-Urbain. Entrée gratuite