La rigidité par laquelle l’Église catholique jongle avec les concepts d’homosexualité et de
contraception nous amène à nous demander si la religion n’a, dans son coeur, de place que
pour l’amour de Dieu. L’amour a évolué, depuis un siècle. Est-il encore compatible avec notre
vieille Église ? Discussion avec Olivier Bauer, professeur à la faculté de théologie et de sciences
des religions de l’UdeM.
L’amour de Dieu est-il exclusif ?
«Non, déclare d’emblée Olivier
Bauer, la relation à Dieu détermine
la relation que l’on peut avoir avec
les autres, avec le monde en général et
aussi avec soi-même.» Si ton dieu est jaloux
et fidèle, alors jaloux et fidèle tu seras.
Les réalités culturelles ont eu raison de certains
préceptes chrétiens qui régissent
l’amour conjugal, notamment à travers des
églises qui tentent de responsabiliser les
gens. Si la branche catholique du christianisme
reste rigide sur les questions sexuelles
et matrimoniales, d’autres, comme la
branche protestante, évoluent avec leur
temps.
Un concept semble cependant intouchable :
la monogamie. Bien que l’on conçoive le
mariage comme étant éternel chez les catholiques
ou qu’on accepte le divorce chez les
protestants, l’union maritale reste une chose
sérieuse. « Il faut être prudent, avertit
Olivier Bauer, tout n’est pas le fruit du
christianisme. Le mariage d’amour est
assez récent. Auparavant on se mariait
pour protéger des intérêts. La question de
fidélité sexuelle n’entrait quasiment pas
en ligne de compte. On avait une épouse
pour des raisons stratégiques et après on
allait prendre notre plaisir ailleurs.»
Le discours religieux a aussi évolué grâce
aux avancées en médecine, soutient le théologien
: «Au niveau de la masturbation, il
y a un discours religieux et un discours
scientifique.» Autrefois, tous deux s’entremêlaient.
Le médecin suisse Samuel A. Tissot
(1728-1797) prévenait le «mal » à coups de
sangsues et d’électrochocs. Lorsque la médecine
moderne a prouvé que la masturbation
était inoffensive, l’Église a dû modifier son
discours. L’Église catholique maintient
toutefois un discours strict sur le corps : il
faut le traiter durement et maîtriser ses passions.
«La foi doit avoir une influence sur
tous nos comportements, y compris sur
notre vie sexuelle, sinon on devient schizophrène
», affirme Olivier Bauer.
Avec le temps, tout n’est pas noir ou blanc.
Preuve que religion au sens large n’est pas
une matrone, mais qu’elle subit les influences
de la culture. «La société s’est s’émancipée,
dit M. Bauer, et certaines églises chrétiennes
ont fait le pas d’admettre qu’il n’y
a pas une forme unique d’amour.»
À la lecture du livre biblique Le cantique des
cantiques, lorsque vous tomberez sur le passage
disant : «Ta taille ressemble à un palmier,
et tes seins à des grappes. Je monterai
sur le palmier, je saisirai ses rameaux»,
voyez-y Dieu. Quand vous croiserez le regard
de la statue de l’Extase de Sainte-Thérèsed’Avila
par Le Bernin, voyez-y votre dévotion
pour Dieu.