Culture

Roger Wilder est un des pionniers de l'art numérique (Crédit photo: Courtoisie FIFA)

Devenir un artiste

Le court métrage Pulsation de l’ancien étudiant de l’UdeM Antoine Favre raconte la carrière de l’artiste visuel franco-canadien Roger Vilder. Un grand reportage journalistique ou un film carrément artistique : Antoine Favre lui-même hésite lorsque vient le temps de qualifier son film, qui a été présenté au Festival international du film sur l’art (FIFA) les 20 et 22 mars derniers.

 

Antoine Favre est monteur dans le milieu télévisuel, un métier plutôt technique laissant peu de place à l’initiative. « Le monteur prend peu de décisions comparativement au journaliste, raconte-t-il. Je voulais m’ouvrir des portes. » Ce désir d’émancipation le pousse à étudier en journalisme à l’UdeM.

Ensuite, il explore son côté créatif. « Je voulais m’offrir le plaisir de faire un film », annonce M. Favre. Pulsation est la rencontre-choc de créateurs de deux générations différentes qui s’interrogent sur les motivations de l’artiste et sur sa propre définition de lui-même.

« Je voulais explorer les raisons pour lesquelles on est artiste, raconte le réalisateur. Le moment où l’on devient artiste n’est pas un hasard. » D’après lui, le bagage psychologique explique l’émergence de la créativité chez les artistes. Aussi, le processus de transformation d’un simple individu à un artiste est issu d’une recherche de liberté. « Sinon, pourquoi chercher à être unique dans un monde d’unification ? » demande-t-il. De ces idées jaillit son œuvre : un regard sur un artiste en quête de soi.

 

Définition

Même si Pulsation est un documentaire sur la carrière d’un artiste, Antoine Favre ne l’envisage pas comme une démarche journalistique. « Je me suis beaucoup remis en question durant le tournage, avoue-t-il. Je ne pouvais pas agir comme un journaliste avec Roger Vilder, je devais parler de moi pour qu’il s’ouvre à mes interrogations. »

Antoine décrit ces rencontres comme une forme de thérapie, ou même d’interrogatoire. Le passé intéresse énormément M. Vilder, au point où Antoine a dû lui raconter ses propres expériences. « Il voulait que je parle de mon père, de mon histoire à moi », se souvient-il. Sa formation journalistique ne l’avait pas préparé à une telle situation. « Au fond, le film s’est fait à deux, et je me suis plus engagé que dans un tournage traditionnel », dit-il. Antoine ne se considère pas comme un journaliste non plus. « J’aimerais ça, mais ce n’est pas le cas, estime-t-il. Je suis plutôt un technicien. »

Croit-il toutefois que son film est de l’art ? « C’est une œuvre d’un classicisme voulu, explique Antoine, je me suis limité à un tournage traditionnel. » Lorsqu’on lui demande s’il est un artiste, Antoine hésite. « Je suis un monteur, clame-t-il. Je ne suis pas un artiste au même titre que Vilder, je ne suis pas aussi déchiré. » Le déchirement est pour lui la marque du vrai artiste. Grâce à ses échanges avec M. Vilder, Antoine Favre a découvert quelle était sa propre définition du mot « artiste ».

 

Montréal 1978

Roger Vilder est à la fois une figure de proue de l’art cinétique, une recherche du mouvement dans l’espace-temps, tant mécaniquement qu’en matière de coloration, et le précurseur de l’art numérique, avec son graphisme et ses images à l’ordinateur.

Né à Beyrouth, au Liban, Roger Vilder mène une carrière fulgurante entre Nîmes et Montréal. Durant les années 1960 et 1970, il fabrique ses pièces sous le regard approbateur de la critique. Brusquement, il cesse la création en 1978 pour enseigner les arts plastiques à Montréal. Il revient à son art en 2000, exactement là où il a tout laissé.

Par une rencontre impromptue avec la fille de Roger Vilder, Antoine établit un premier contact avec l’artiste renommé. Au premier abord, le jeune réalisateur est attiré par la froideur de l’homme de 74 ans. « C’est un mec dur, sec, pas très agréable, un vrai artiste quoi ! » décrit-il.

Contre toutes attentes, M. Vilder accepte de se livrer au regard inquisiteur de la caméra. Ainsi commence un long tournage qui durera près de deux ans, du Québec à la France. De ces rencontres résulte un documentaire de 26 minutes sur la réunion de l’artiste et de son art après une longue séparation.

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