Trésors interdits

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Par Guillaume Mazoyer
mercredi 17 septembre 2014
Trésors interdits
Le public ne peut pas toucher les livres anciens, pour éviter de les abîmer
Crédit photo: Isabelle Bergeron
Le public ne peut pas toucher les livres anciens, pour éviter de les abîmer
Crédit photo: Isabelle Bergeron
Le Carrefour des arts et des sciences de l’UdeM accueille, du 4 septembre au 14 novembre prochains, l’exposition Mauvaises lectures & beaux livres réalisée en partenariat avec la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales (BLRCS). Cet étalage de beaux livres permet de jeter un regard sur la censure littéraire à travers les siècles.
« Jusque dans les années soixante, il y avait une censure institutionnelle assez forte » Francis Gingras Professeur titulaire en littératures de langue française

« L’exposition est née avec l’idée d’un travail sur les enfers des bibliothèques », explique le secrétaire de la faculté et professeur titulaire en littératures de langue française Francis Gingras. Les enfers sont ces lieux où des livres licencieux sont enfermés dans des bibliothèques. Ses recherches ont conduit M. Gingras à se poser des questions sur l’existence d’un tel coffre-fort à l’UdeM. C’est tout naturellement que les recherches se sont tournées vers la BLRCS. « Des ouvrages qui existent à dix exemplaires dans le monde sont ici à l’Université, affirme M. Gingras. Ils méritaient d’être mis en valeur. »

L’exposition retrace la longue bataille pour la liberté d’expression à travers les siècles. Elle est illustrée par les nombreuses découvertes faites à la BLCRS, dont certains livres portent encore les cicatrices : une copie exposée du Novum Testamentem Omne d’Érasme porte des traces visibles de coups de poignard. Cet ouvrage du XVIe siècle avait en effet été censuré par le Vatican, qui reprochait à l’auteur d’avoir traduit le Nouveau Testament à partir de sources grecques et non latines comme il était coutume de le faire à l’époque.

Le visiteur peut s’installer dans un boudoir aménagé pour consulter virtuellement, en toute liberté, ces lectures interdites. « Malgré le caractère ancien des livres exposés, on a une expérience très moderne », estime l’étudiante en psychologie et sociologie Florie Le Liboux.

Des décrets de la Commission des études de l’Université ont interdit dans les années 1950 des manuels de psychologie traitant d’anomalies sexuelles ou de perversion, puisqu’ils pouvaient choquer les étudiants.Certaines oeuvres d’Émile Zola et d’Honoré de Balzac nécessitaient aussi une dérogation spéciale d’un professeur afin de pouvoir être consultés. « La censure, c’est aussi l’incapacité à consulter certains livres à l’UdeM  datant de ces années-là », relate le doyen de la Faculté des arts et des sciences, Gérard Boismenu.

Celle-ci était due aux valeurs traditionnelles catholiques en vigueur à cette période. « Jusque dans les années soixante, il y avait une censure institutionnelle assez forte », commente Francis Gingras. La censure au Québec a évolué avec la Révolution tranquille à partir des années 1970. Les valeurs traditionnelles chrétiennes n’ont plus eu d’emprise au niveau des livres interdits. Cependant la censure a muté pour devenir plus subtile et presque inconsciente : le choix de certains manuels à l’étude pour un cours au détriment d’autres livres est une forme de censure, selon M. Gingras.

L’exposition propose aussi plusieurs activités, dont Les interdits du lundi, où sont projetés au laboratoire Marius-Barbeau des films qui ont été censurés au Québec. La responsable juridique aux éditions Écosociété, Anne-Marie Voisard, prononcera une conférence le 10 novembre sur le livre Noir Canada. Ce livre dénonce les activités de compagnies minières canadiennes en Afrique, mais a dû être retiré suite à des poursuites.

 

Mauvaises lectures & beaux livres
Carrefour des arts et des sciences
Pavillon Lionel-Groulx, C-2081
Lundi au vendredi 9 à 17 heures