Des témoins de l’évolution

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Par Félix Lacerte-Gauthier
lundi 30 avril 2018
Des témoins de l’évolution
(Photo : Courtoisie Division de la gestion de documents et des archives de l’UdeM)
(Photo : Courtoisie Division de la gestion de documents et des archives de l’UdeM)
Trois membres de l’Université ayant plus de 40 années d’ancienneté parlent de leur vécu à l’UdeM d’hier à aujourd’hui.

Monique Vasseur

Responsable de la plateforme de microscopie photonique au Département de biochimie et médecine moléculaire

40 ans d’ancienneté

 

Mme Vasseur a passé 23 ans au Département de pathologie et biologie cellulaire, avant de passer à celui de biochimie, où elle travaille depuis 17 ans. « Quand j’ai commencé, il n’y avait pas d’Internet, ni même d’ordinateur, s’exclame-t-elle. Tout le monde travaillait avec des machines à écrire. »

Technologie

Le virage technologique a d’ailleurs nécessité un certain ajustement, selon ses dires. « Avant, les gens n’avaient pas vraiment la formation complète pour comprendre exactement ce que les machines faisaient, explique-t-elle. Quand on expliquait, c’était “tu tournes tel bouton et ça devrait faire à peu près telle chose”, il n’y avait pas de formation aussi poussée qu’aujourd’hui. » Pour elle, l’accès aux différentes plateformes technologiques s’est depuis démocratisé alors que celles-ci ne sont plus l’apanage de quelques personnes expertes.

Recherche

Malgré les avancées, elle remarque toutefois un certain recul de la langue française, qui relève principalement d’un manque d’effort. « Si on ne parle pas anglais, c’est comme si on se coupe du monde scientifique, développe-t-elle. Auparavant, on s’efforçait davantage pour trouver des livres et des revues en français. »

Elle remarque que les femmes ont un rôle beaucoup plus important à l’Université aujourd’hui, alors qu’il n’y avait que très peu de femmes professeures ou chercheuses lors de son arrivée. Une situation qui a bien changé depuis.


 

Pavel Winternitz

Professeur au Département de mathématiques et de statistiques

45 ans d’ancienneté

 

M. Winternitz a quitté ce qui était alors la Tchécoslovaquie (maintenant la République tchèque) en 1968. Après quelques escales, il est arrivé au Canada, et à l’UdeM, en 1972. « Je suis venu travailler au Centre de recherches mathématiques [CRM], qui a été ouvert en 1968, comme membre associé, confie-t-il. Je suis devenu professeur titulaire au Département de mathématiques plus tard, au début des années 1980. »

Technologie

Les outils technologiques ont changé. Les ordinateurs sont passés d’un simple outil de calcul à un moyen de communication essentiel, une façon de rejoindre plus facilement les étudiants, à ses yeux.

Recherche

Au fil des années, il a pu voir le changement de vocation de l’Université. « Dans les années 1970, il y avait beaucoup de professeurs au CRM qui ne faisaient que de l’enseignement, révèle-t-il. C’est un aspect qui a beaucoup changé alors que la recherche est aujourd’hui priorisée. » Dans un même ordre d’idées, il explique que les classes contiennent beaucoup plus d’étudiants, ce qui change le rapport entre ceux-ci et leur enseignant en le rendant plus impersonnel.

Il constate également que les études mènent plus difficilement à un emploi. « Quand j’étais jeune, c’était une évidence que tous les étudiants avec un doctorat allaient trouver un poste dans leur domaine d’études, affirme-t-il. Maintenant, c’est devenu beaucoup plus difficile pour les jeunes de commencer leur carrière. »

Il rappelle que c’est grâce à l’abolition de la retraite obligatoire par le gouvernement fédéral en 2011 qu’il peut encore continuer son travail. « Pour moi c’est bien, mais objectivement, ça signifie aussi qu’il y a moins de postes pour des jeunes, ce qui est dommage », conclut-il.


 

Stéphane Molotchnikoff

Professeur au Département de sciences biologiques

45 ans d’ancienneté

 

« Mes parents sont venus ici du Maroc en tant que réfugiés en 1965, confie M. Molotchnikoff. Ils ont choisi le Québec en raison de la langue française. Par la suite, je suis entré à l’Université la même année comme étudiant en sciences biologiques, avant de faire un doctorat en 1970 à l’Université de New York. » C’est en 1973 qu’il a postulé pour devenir professeur à l’UdeM, alors qu’un poste en physiologie s’était ouvert. « De nos jours, il faut faire un postdoc avant de pouvoir prétendre à un poste de professeur, admet-il. À l’époque, ce n’était pas nécessaire. L’Université engageait aussi parce qu’on manquait de profs. »

Technologie

Pour lui, le plus grand changement constaté depuis ces années est l’arrivée d’Internet, une révolution qu’il compare à la création de l’imprimerie par Gutenberg. « Ça crée une dynamique complètement nouvelle, explique-t-il. Ça demande une nouvelle approche des professeurs à leurs cours et à leur rapport aux étudiants. » Il estime que ni les professeurs ni l’Université ne se sont encore complètement adaptés à ce changement et qu’il serait juste de bien en définir les règles, afin d’en contrôler l’utilisation en classe.

Recherche

« La recherche a aussi beaucoup changé, mais je ne sais pas si c’est un bien ou un mal », avoue-t-il. Il donne en exemple le fait que des comités de déontologie encadrent maintenant les chercheurs de manière très stricte. Certains types d’expérimentation autrefois possibles ne seraient ainsi plus acceptables aujourd’hui étant donné que les chercheurs sont soumis à des normes plus sévères. « On met le doigt dans la censure de la recherche, s’alarme-t-il. On devient un peu l’otage d’une certaine idéologie. »

Ces changements ne sont pas nécessairement négatifs, puisqu’une plus grande reconnaissance de la propriété intellectuelle est également présente. « À l’époque, je faisais de nombreuses photocopies que j’envoyais à mes étudiants, donne-t-il en exemple. Maintenant les droits d’auteurs sont plus sévères, ce qui est légitime, ce qui fait qu’on ne peut plus distribuer aux étudiants des copies de livres. »