Volume 18

Des soucoupes et des hommes

Qui n’a jamais rêvé de toucher le doigt d’E.T. ou de résoudre une enquête des X-Files ? Les ufologues croient que ce rêve peut devenir réalité, ce qui ne les empêche pas d’être des gens sensés avec des vies ordinaires. Récit d’une soirée parmi les membres de la branche montréalaise du mouvement.

Samedi, 19 heures. J’entre dans le restaurant libanais de Montréal-Nord où se tient le «souper ufologique mensuel». C’est l’Association Québécoise d’Ufologie (AQU, voir encadré) qui l’organise chaque dernier samedi du mois, sauf en décembre. Comme quoi les ufologues fêtent aussi Noël et le jour de l’An. D’après Ricardo Melfi, le viceprésident de l’AQU, « ces rencontres mensuelles ont une valeur thérapeutique. Chacun y trouve une échappatoire face à l’environnement familial dans lequel il baigne. Bien souvent, ce sujet [y] est inabordable sous peine d’être mal considéré ». Pourtant, la vingtaine de personnes qui discutent autour d’un coca et d’un bon kébab n’ont pas l’air de parias. Et ils ont tous une vie « normale »: un travail, une famille, une voiture. Bref, une vie comme vous et moi. À la seule différence qu’ils assument leur croyance en l’existence des extraterrestres.

Menu ufologique

Au menu de la soirée, études de cas à la X-Files et revue de l’actualité des ovnis du mois écoulé. Le premier dossier soumis à l’assemblée est celui de Marie Carmen, qui aurait connu un missing time (l’absence correspondant à un enlèvement extraterrestre) de deux heures sans savoir réellement ce qui s’est passé. Les ufologues visionnent la séance où Marie Carmen est hypnotisée pour tenter de revivre l’événement. Hormis la vision de son père et le couloir noir dans lequel elle marchait, les résultats ne sont pas très probants. Gilles Milot, gestionnaire dans une firme multinationale de génie-conseil et président de l’association, décide tout de même de poursuivre les séances, car les cas de missing time sont si rares. Chaque détail est débattu et analysé minutieusement.

La soirée se poursuit par la projection de vidéos d’ovnis provenant de sites Internet comme Youtube ou Dailymotion. Les membres de l’AQU débattent ensuite de la crédibilité de chaque petit film, car croire aux ovnis n’empêche pas d’être sceptique.

La majorité des spectateurs réagit à la moindre supercherie qui fait ressembler la vidéo à une reprise du Projet Blair Witch. Il ne manque plus que le popcorn.

Depuis dix ans, estime Ricardo Melfi, seuls « 26 cas dits intéressants ont été recensés par l’association, dont un de troisième type » (un cas impliquant soucoupe volante ET extraterrestres).

Il y a une dizaine d’années, un homme aurait aperçu dans son jardin un vaisseau et des extraterrestres – décrits par Ricardo comme « des entités à scaphandre » – qui y faisaient des prélèvements. Mais la plupart des cas sont des fly by (survol), des points lumineux dans le ciel peu con cluants.

Pourtant, à entendre les membres de l’association, chacun semble avoir sa propre « histoire extraterrestre ». À l’été 1998, Ricardo a aperçu « une masse sombre, cylindrique, de la taille de deux terrains de football, qui fuyait vers le sud », alors que lui et un groupe d’ufologues contemplaient les Perséides, des étoiles filantes. Quant à Germain Miron, passionné de X-Files et assistant-monteur d’une boîte de production, il a aperçu son ovni alors qu’il attendait son autobus au terminus Montmorency. C’était vers mai-juin 2008 aux environs de 19 heures, alors qu’il partait à une fête. « J’ai observé avec un groupe de personnes un “prisme” hexagonal avec à l’intérieur un cercle plus foncé, immobile dans le ciel, pendant cinq minutes », relate-t-il.

Denis, membre de l'AQU, avec la version ufologique du catalogue Sears. Crédit Coline Sénac

Selon Gilles Milot, « environ 85-90 % des cas se révèlent être d’origine naturelle. Cependant, les gros cas ne sont jamais résolus à 100 %. S’ils l’étaient, on pourrait dire que nous avons la preuve de l’existence des extraterrestres. » Pour Ricardo Melfi, comme une preuve scientifique est « un phénomène récurrent, calibré et possible à analyser », les ovnis sont impossibles à prouver puisqu’ils sont imprévisibles.

« Il faudrait que la soucoupe se pose en face de la Chambre de commerce marquée d’un Made in space » pour que ce phénomène soit enfin reconnu par le milieu scientifique, conclut-il. En attendant d’être un jour prouvés, les cas recensés sont envoyés «à Chris Rutkowski, chargé de communication à l’Université du Manitoba, qui édite un Rapport ufologique annuel », explique Gilles Milot.

L’ufologue : amateur de science – fiction ou observateur rigoureux d’un phénomène scientifique ? L’ovni : mythe ou réalité? Ce qui est sûr, c’est que la NASA elle-même tente de découvrir des traces bactériennes de vie extraterrestre. Finalement, entre l’astrobiologiste et l’ufologue, il n’y a donc qu’une soucoupe.

un club très flyé

L’association Québéçoise d’Ufologie (de UFo, Unidentified Flying Object, la désignation anglaise des ovnis, acronyme d’objets volants non identifiés), fondée en 1998 et comptant aujourd’hui 50 membres, est un organisme à caractère non lucratif qui recense, étudie, puis classe les phénomènes extraterrestres, notamment les ovnis. Elle est reconnue à l’international par des organismes similaires. Le profil des participants est très éclectique.

Évolue, que je t’appelle

L’astrophysicien Michio Kaku affirme que nous serons contactés par les extraterrestres dès que nous serons devenus des civilisations de type 1. M. Kaku catégorise les civilisations par leur avancée technologique : la civilisation de type 1 tire son énergie du soleil, tandis que la civilisation de type 2 la tire de la galaxie. Enfin, la civilisation de type 3 se rapproche de celle de Star Wars avec immortalité, voyage interstellaire et énergie éternelle à la clé. Or, d’après Ricardo Melfi, nos sociétés occidentales ne seraient pour l’instant «que des civilisations de type 0 qui tendent à évoluer grâce au développement d’Internet et à l’exploitation des énergies renouvelables». Bien que l’utilisation du nucléaire et des énergies fossiles nous maintienne au stade 1, Michio Kaku estime que le contact avec les extraterrestres s’établira avant le XXIIe siècle.

 

 

Partager cet article